Le Mississippi devant la Cour suprême : un défi direct au droit à l’avortement
Radio-Canada
JACKSON, Mississippi – Le jour est à peine levé en ce samedi de novembre. Des militants antiavortement sont déjà là, Bible et pancartes à la main, prières et sermons à la bouche. Ils encerclent la Jackson Women’s Health Organisation, seule clinique d'avortement du Mississippi.
Il y a des habitués comme Coleman Boyd, médecin et père de famille nombreuse. Quelques-uns de ses enfants l’accompagnent. Les plus vieux tentent, comme lui et d’autres adultes, d’intercepter les patientes qui débarquent dans le stationnement de la clinique. Ils les préviennent qu’elles auront des comptes à rendre lors du Jugement dernier… à moins de faire marche arrière.
La propriétaire de la Pink House est une femme, Diane Derzis, qui a voulu offrir un cadre décent un peu partout dans le Sud, car elle avait gardé un souvenir humiliant de sa propre expérience en Alabama, peu de temps après la légalisation de l’avortement aux États-Unis.
Des membres des Défenseurs de la Pink House, bénévoles d'une organisation à but non lucratif créée pour appuyer la clinique, se précipitent pour s’interposer, pour rassurer les patientes et pour les guider à l’intérieur. Au passage, ils répliquent du tac au tac aux militants antiavortement; ils ont d’ailleurs installé des haut-parleurs qui diffusent de la musique rock afin d’étouffer les hymnes religieux qui fusent d’appareils semblables depuis la rue.
Dehors, le va-et-vient est incessant. Les plaques d’immatriculation révèlent que les patientes, ce jour-là, viennent non seulement du Mississippi, mais aussi du Kansas, de la Louisiane ou encore du Texas. Cet État interdit désormais aux femmes de se faire avorter après six semaines de grossesse.
La Cour suprême n’est pas intervenue pour bloquer cette loi, qui repose sur la délation et qui viole le droit à l’avortement. Mais depuis lors, elle a été saisie de l’affaire par l’administration Biden.
La co-organisatrice des Défenseurs de la Pink House, Derenda Hancock, explique qu’il a fallu s’adapter. On a pu retenir les services de deux autres médecins, donc maintenant on peut recevoir les patientes cinq jours par semaine. Avant, on pouvait seulement fonctionner trois jours par semaine, explique-t-elle.
« Quand la loi est entrée en vigueur au Texas, c’est devenu surréaliste : jusqu’à 80 femmes venaient nous voir chaque jour. Mais maintenant, avec un horaire plus étalé, on a une moyenne de 45 à 55 patientes par jour. »
Elle précise qu’elle fait aussi entrer les médecins par une autre porte : Tous nos médecins arrivent de l’extérieur de l'État […] Aucun médecin du Mississippi ne veut pratiquer des avortements, à cause de la stigmatisation et des menaces.