Le long parcours du conseiller Raïs Kibonge jusqu’à Sherbrooke
Radio-Canada
Le conseiller et maire suppléant de Sherbrooke, Raïs Kibonge, a parcouru un long chemin avant de faire son nid en Estrie. S’il vit aujourd’hui une vie épanouie dans la région, celle-ci n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Premier Noir élu au conseil municipal, il a eu un passé parsemé de grandes épreuves. Portrait d’un homme en perpétuel mouvement.
Natif de Bukavu en République démocratique du Congo, Raïs Kibonge est arrivé à Montréal à l’âge de 20 ans avec son frère et ses trois sœurs pour fuir cette région de l’Afrique centrale marquée par des conflits sanglants.
Quand je me suis installé ici, je faisais des blagues avec mes amis en disant : "Moi et Jacques Cartier, même combat. Aller simple pour le Canada", dit-il en riant.
Si Raïs Kibonge n’est jamais retourné dans son pays natal, c’est que les souvenirs qui y sont rattachés sont marqués au fer rouge. Venant d’une ville qui a vécu le ressac du génocide du Rwanda, le pays voisin, son adolescence a été bouleversée par l’insécurité et l’instabilité. Dans son esprit, il sépare sa vie africaine en deux périodes : l’avant 1996 et l’après.
Avant 96, c’est l’enfance, c’est la protection par les parents, c’est une vie tranquille, où on a hâte à la fin de semaine pour pouvoir écouter des Disney ou des films. Mes deux parents étaient des fans de science-fiction. C’était beaucoup Star Trek, Star Wars. C'était comme protégé, se souvient-il avec nostalgie.
Alors qu’il a seulement 8 ans, en 1994, il entend les échos d’une tragédie horrible qui frappe le pays voisin à l’est : le génocide au Rwanda. Mais il est encore un jeune enfant qui n’a pas encore conscience de tout ce qui se passe. La crise humanitaire qui touche le Rwanda aura vite fait de se déplacer vers son pays, qu’on appelle à l’époque le Zaïre. Une simple rivière sépare Bukavu des horreurs qui se déroulent de l’autre côté.
À partir de 96, c’est comme si la vie nous rattrape. Il y a la guerre, l'instabilité. Ça rentre dans la face. La ville est paralysée. Les gens fuient. C’est les amis qui ne rentrent pas à l’école et c’est parce qu’ils se sont fait ramasser et sont devenus des enfants soldats.
La suite sera une succession de déplacements, selon les dangers du moment, dans un pays aux prises avec une guerre sanglante qui fera des dizaines de milliers de morts. C’est la chute du régime d’une trentaine d’années de Mobutu Sese Seko, qui sera remplacé par celui de Laurent-Désiré Kabila.
« La situation était difficile parce qu’il y avait des menaces de mort sur mon père, vu que c’était un médecin omnipraticien. Il soignait tout le monde et à un moment donné on lui a dit : "Il faudrait que tu soignes un camp plus que l’autre." »