
La réponse québécoise à la vague grunge de 1991
Radio-Canada
1991 est une année charnière dans l’histoire du rock. C’est le moment où des styles considérés underground ont émergé dans les courants mainstream et commerciaux. Le thrash metal fait sa place avec le Black album de Metallica et le grunge perce avec Nevermind de Nirvana, lancé il y a précisément 30 ans aujourd’hui, le 24 septembre 1991.
Et quelle a été la réponse locale au grunge?
J’ai souvent entendu des gens dire que le Québec n’avait pas embarqué dans la vague grunge. Honnêtement, ce n’est pas faux. Bien que le grunge ait été un style musical aussi populaire ici qu’ailleurs, aucun artiste ne semble être arrivé à émuler le son qui arrivait de Seattle et encore moins à le propulser dans les hautes sphères commerciales.
Cette réponse peut sembler décevante, mais chercher un style musical foncièrement américain chez nous est une erreur, à mon sens. Le Québec a toujours été une société distincte musicalement aussi. L’équivalent local au grunge est passé par des amalgames avec d’autres courants musicaux : le métal, le punk et le rock festif.
En 1990, la compilation Lâchés Lousses est le premier véritable effort de fédération de groupes alternatifs francophones à l’échelle provinciale. On y retrouve notamment BARF, le groupe métal/défonce qui perdure encore aujourd’hui. Mais parmi les plus proches du son grunge que l’on découvre sur cette compilation, il faut citer Idées Noires. Vous vous souvenez de l’énorme succès Safety dance de Men Without Hats? Eh bien le responsable de ce succès, Ivan Doroschuk, participe à l’enregistrement du démo d’Idées Noires.
L’un des groupes qui figure sur Lâchés Lousses, Genetic Error, n’avait rien de grunge. C’était un groupe crossover métal basé à Trois-Rivières. Mais lorsque Nirvana passe en tournée au Canada, en 1991 (trois jours avant la sortie de Nevermind), notamment pour donner son mythique spectacle au Foufounes électriques à Montréal, Genetic Error est approché pour organiser un concert du groupe et faire sa première partie à Trois-Rivières. Le prix à payer pour produire Nirvana? 500$. Leur réponse? Non, merci.
En 1990, Jean Leloup et La Salle Affaire lancent L’amour est sans pitié. On n’est pas en fief grunge, mais Leloup a ce je-ne-sais-quoi de délinquant et imprévisible qui peut rappeler l’attitude anti-héros des vedettes du mouvement. Surtout, le succès rencontré par Leloup est symptomatique d’une vague de musique alternative qui déferle alors sur le Québec : la musique festive. Cet air ne vient pas des États-Unis, il arrive de France. Bérurier Noir, Ludwig Von 88 et Mano Negra (mettant en vedette un jeune Manu Chao), amènent avec eux un son qui voyage entre punk, ska, reggea et musique du monde.