La pratique de la lecture sensible s’ancre au Québec
Radio-Canada
Relire un manuscrit avant sa publication pour y déceler des représentations offensantes, stéréotypées ou encore inexactes, c’est le but de la lecture sensible. Si elle peut susciter des craintes de censure, cette pratique encore émergente au Québec vient plutôt enrichir les œuvres, selon les maisons d’édition ainsi que les auteurs et autrices l’ayant expérimentée.
Lorsque Marie Hélène Poitras a terminé la première mouture de La désidérata, paru l’an dernier, l’écrivaine québécoise n’était pas satisfaite de son personnage Jeanty, un homme qui devient une femme au fil des 184 pages de ce roman édité par Alto.
Par pudeur ou par peur d’écorcher la communauté trans, j’avais l’impression que je m’étais retenue avec ce personnage et je trouvais cette crainte de choquer un peu dommage dans un roman aussi généreux, explique-t-elle.
À ce moment-là, les autrices trans Gabrielle Boulianne-Tremblay et Chris Bergeron n’avaient pas encore sorti leurs premiers romans : La fille d’elle-même et Valide.
« Je ne voulais pas leur passer devant et raconter, à la place de personnes trans, des histoires qui n’avaient pas encore été racontées par elles. »
Son amie l’éditrice Geneviève Thibault lui ayant appris l’existence de la lecture sensible, Marie Hélène Poitras a proposé à Alto de faire appel à Chris Bergeron pour l’éclairer. Il s’agissait d’une première pour cette maison d’édition indépendante de Québec.
Je me disais que j’aurais peut-être les coudées plus franches si quelqu’un me donnait le go pour aller dans certaines directions, et Chris Bergeron m’a non seulement aidée, mais elle m’a donné plein d’idées très porteuses, comme le rapport au miroir.
Marie Hélène Poitras a ainsi retouché une scène pour y intégrer l’importance du miroir dans la découverte d’un nouveau soi pour les femmes trans.
À l’avenir, elle n'hésitera pas à répéter l’expérience si les sujets de ses livres le nécessitent. J’ai besoin d’aller jusque-là pour que mes textes soient en accord avec mes valeurs. Même si on fait beaucoup de recherches [sur la transidentité, par exemple], il y a parfois des angles morts. La lecture sensible est un outil de plus dans notre coffre.