La Loi sur le cinéma brime les droits des Témoins de Jéhovah
Radio-Canada
En obligeant les Témoins de Jéhovah à soumettre leurs vidéos destinées à l’enseignement religieux au processus de classement des films, la Loi québécoise sur le cinéma instaure « un régime de censure » qui porte atteinte à leurs droits et libertés, tranche la Cour du Québec.
Dans une décision rendue le 30 mai dernier, le tribunal a donné raison à la Tour de Garde Société de Bibles et de Tracts du Canada, l’organisme à but non lucratif qui représente les Témoins de Jéhovah au pays.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales poursuivait Tour de Garde pour avoir présenté un film en public, sans qu’un visa attestant de son classement ait été préalablement délivré, ce qui constitue une infraction à l’article 76 de la Loi sur le cinéma.
Du 14 au 16 juin 2019, l'assemblée annuelle des Témoins de Jéhovah de la région de Québec a réuni plus de 4000 fidèles au Pavillon de la jeunesse, sur le site d’ExpoCité. Au cours de l’événement, 70 vidéos à caractère biblique ont été présentées à l’auditoire.
Le 15 juin, un inspecteur de la Direction des services aux entreprises et du classement des films du ministère de la Culture et des Communications s’est rendu sur place à la suite d’une plainte. Il a constaté qu’un des films diffusés au Pavillon de la jeunesse, L’histoire de Josias : Aimez Jéhovah, haïssez le mal, n’avait fait l’objet d’aucun classement par catégorie d’âge.
Or, au Québec, les films projetés devant public doivent avoir fait l’objet d’une demande de visa en vue de leur classement dans l’une ou l’autre des catégories suivantes : 1) visa général; 2) 13 ans et plus; 3) 16 ans et plus et 4) 18 ans et plus.
Ce système de classement vise entre autres à protéger les jeunes contre des contenus cinématographiques qui ne seraient pas adaptés à leur âge, et le public en général relativement à des contenus encourageant ou soutenant la violence sexuelle.
La juge de la Cour du Québec Suzanne Bousquet croit que le processus de classement ne devrait pas s'appliquer aux films éducatifs des Témoins de Jéhovah puisque cela revient à exiger qu’ils obtiennent l’autorisation de l’État pour transmettre et recevoir un enseignement religieux. Elle y voit notamment une atteinte à la liberté de religion et à la liberté d’expression.
En obligeant Tour de Garde à demander une permission à l’État pour pouvoir présenter ses vidéos et en accordant un droit de regard aux examinateurs du Service du classement sur ses vidéos, ne serait-ce que sur les images, la Loi instaure un régime de censure, écrit la juge dans sa décision.