La guerre racontée aux Russes
TVA Nouvelles
À l’exception des quelques indépendants, les médias en Russie sont pratiquement tous contrôlés par l’État. Ainsi, depuis que le président Vladimir Poutine a déclenché ce qu’il appelle « une opération militaire », ces réseaux de propagande n’ont pas montré une seule image des combats et encore moins des bombardements dans les grandes villes.
À titre d’exemple, la photo d’un immeuble détruit par un missile à Kiev a fait le tour de la planète, mais elle ne s’est pas rendue en Russie, remarque Dominique Arel, titulaire de la chaire d’études ukrainiennes à l’Université d’Ottawa. Difficile pour la population de comprendre réellement ce qui se passe, d’autant plus que son accès à Twitter est de plus en plus limité. Malgré tout, les Russes ne sont pas tous dupes, comme en témoignent les manifestations qui ont pris place ces derniers jours dans plusieurs grandes villes, précise Marc-François Bernier, professeur en communication à l’Université d’Ottawa. Voici un aperçu de la façon dont la guerre contre l’Ukraine est racontée à travers le regard des médias russes depuis quatre jours.
Au moment où les médias occidentaux faisaient jouer en boucle des images des bombardements à Kiev vendredi, la première chaîne d’information en continu de Russie montrait un tout autre portrait de la situation.
La chaîne Russia 24 diffusait plutôt un reportage préenregistré dans la région du Donbass, a révélé à CNN Jill Dougherty, journaliste experte de la Russie et de l’ancienne Union soviétique. On y voit une reporter russe, habillée d’une veste pare-balle et coiffée d’un casque militaire détaché. Une lignée de chars d’assaut passe derrière elle. Elle se retourne tout bonnement et va jusqu’à faire de grands saluts amicaux aux soldats, qui lui envoient la main en retour.
« Cela fait partie de la stratégie du gouvernement russe qui montre constamment à la télévision d’État que les gens [de la région du Donbass] se disent victimes d’un génocide [...] du gouvernement ukrainien », explique Mme Dougherty en précisant que le gouvernement ukrainien réfute évidemment ce narratif de la Russie.
La Russie censure les détails de ses pertes ; jusqu’à dimanche, le décès d’un seul militaire avait été confirmé, fait savoir Maria Avdeeva, directrice du groupe de réflexion sur l’Ukraine de l’European Expert Association.
De son côté, l’Ukraine affirme que 4300 militaires russes sont morts jusqu’à présent, mais les responsables disent que ces chiffres ne sont pas clairs, précise Mme Avdeeva au Journal.
« Le gouvernement russe refuse de donner les vrais chiffres, mais ces pertes sont réelles. Des familles vont commencer à parler, par exemple en disant que leur fils, leur père est mort. On ne peut pas dire que [les Russes] croient à toute la propagande qu’on leur sert », explique Dominique Arel.
Sur cette photo, un soldat qui serait russe, selon les militaires ukrainiens, qui est décédé dans les derniers jours.