La guerre en Ukraine évocatrice d’un passé bouleversant pour le cinéaste québécois Maurice Bulbulian
TVA Nouvelles
La guerre en Ukraine rappelle avec violence au cinéaste québécois à la retraite Maurice Bulbulian les horreurs vécues par ses parents, lui qui est né d’une mère ukrainienne et d’un père arménien.
Il a vu le jour à Montréal en 1938 et y a grandi, loin de toutes tragédies, mais les mots «guerre» et «extermination» qu’on entend depuis l’invasion commandée par Vladimir Poutine résonnent quand même dans sa tête comme des coups de canon.
Sa mère, Stefania Kyowchek, est née à Lviv, une ville dans le centre-ouest de l’Ukraine. Âgée de 12 ans à peine, alors que le pays était à feu et à sang, Stefania (Stella) réussit à fuir son pays avec sa cousine, pour aller à Varsovie, en Pologne, chez une tante éloignée. «Elles y ont été traitées littéralement comme des esclaves», a appris plus tard M. Bulbulian.
Restés en Ukraine, tous les autres membres de sa famille, sans aucune exception, ont été exterminés. Les souvenirs de la famille Kyowchek venaient de s’effacer.
Plus tard, les deux cousines, du port de Dantzig (aujourd’hui Gdansk), s’embarquent en cachette à bord d’un navire de marchandises sans savoir où cette aventure les mènerait. C’est finalement à Halifax, en Nouvelle-Écosse, qu’elles sont arrivées, pour une nouvelle vie.
Le père de M. Bulbulian, Setrag (Serge), a lui aussi connu les affres de la guerre. Persécutés par les Turcs ottomans, la plupart des membres de sa famille, comme des millions d’autres Arméniens, ont péri aux mains de leurs agresseurs. «Avec quelques membres de sa famille, mon père a réussi à rallier la Syrie, cachés dans des voyages de foin, sur ce qu’on a appelé plus tard la route de la mort parce que beaucoup de gens ont péri sur cette voie en tentant de s’enfuir.»
De la Syrie, son père est parti pour l’Égypte, puis pour la France où il est devenu interprète, avant de rejoindre les côtes du Canada.
«Mes parents n’ont jamais voulu parler des horreurs de ces deux guerres, ma mère tout particulièrement. Ce que je sais, je l’ai appris par d’autres personnes. Pour mon père, il fallait tout oublier et surtout pardonner. C’est ce qu’il nous a légué de génération en génération. Imaginez ce qui se passe actuellement dans la tête de ces millions d’Ukrainiens cachés de leur maison, sous des ponts ou dans le métro. Auront-ils la force, un jour, de briser le silence, de raconter et même de pardonner ce qui s’est vraiment passé?»
Son bagage familial a certainement inspiré Maurice Bulbulian au cours de sa carrière de documentariste de quelques décennies à l’Office national du film (ONF) des dizaines de documentaires percutants, dont plusieurs sur la réalité des Autochtones du Canada. «Pour moi, le documentaire est un outil de changement puissant, nous a confié le cinéaste de 83 ans qui se dit toujours habité de justice et d’égalité sociale. Je pense que mes films sont toujours vivants et d’actualité quand on regarde tout ce qui se passe dans le monde actuellement.»