La France restitue son trésor au Bénin
Radio-Canada
Début novembre, 26 œuvres béninoises, pillées à la fin du 19e siècle, seront restituées au Bénin par le gouvernement français. Le retour de ces trésors du royaume d’Abomey, actuellement exposés à Paris, représente un premier grand transfert de propriété.
Marie-Cécile Zinsou, Franco-Béninoise et présidente de la fondation artistique Zinsou, répond à nos questions à propos de l’enjeu de la restitution, sur lequel elle travaille depuis longtemps.
C'est un moment totalement historique et c'est un moment de dialogue entre la France et le Bénin. J’ai envie de dire la victoire du dialogue. C'est une chose étonnante parce que, historiquement, ces œuvres sont arrivées en France à la fin du 19e siècle. Elles ont été pillées à Abomey en 1892. Le patrimoine français étant inaliénable, ses œuvres n'avaient aucune possibilité de revenir a priori un jour au Bénin. Elles avaient été prêtées en 2006, mais jamais on n'aurait pu imaginer qu'elles reviennent définitivement.
En fait, il faut savoir que l'histoire des restitutions, c'est une histoire qui est vieille comme celle de l'humanité. Ce n'est pas spécifique aux pays africains, mais il faut savoir que le Bénin a fait une demande en 2016 de restitution du patrimoine du Dahomey dans les collections nationales françaises et se voit répondre comme tous les pays qui ont fait des demandes depuis les indépendances : Merci beaucoup pour cette demande, mais ça ne sera pas possible, car le patrimoine français est inaliénable. Donc les collections ne peuvent malheureusement pas repartir où que ce soit.
Puis Emmanuel Macron, en 2017, fait un discours à Ouagadougou en disant qu'il faut qu'on réfléchisse à notre histoire commune et que le patrimoine africain devra rejoindre l'Afrique dans les cinq ans à venir, de façon permanente ou temporaire. À partir du moment où il dit de façon permanente, ça veut dire qu'on peut demander un transfert de propriété. Et du coup, la France a engagé le dialogue avec le Bénin sur les questions de transfert de propriété. Le président Macron a demandé la production d’un rapport qui a fait beaucoup de bruit en France.
On a découvert, quand le rapport a été remis en novembre 2018, que le Bénin allait être le premier pays, avec le Sénégal, auquel seraient restituées des œuvres. Donc, après, à partir de cette annonce, il y a un processus législatif qui s'est mis en place. Normalement, ce sont des processus très longs. Mais là, il se trouve qu'en juillet 2020, le texte de loi a été présenté. Il a été débattu au Sénat et à l'Assemblée nationale, puis il a été voté définitivement le 24 décembre 2020. Et dans ce texte de loi, il est dit que les objets ont 365 jours pour rentrer dans les pays qui en ont désormais la propriété. Donc, nous arrivons fin 2021 avec cette loi qui nous donne un an pour récupérer les œuvres, et donc elles partent au Bénin, où elles seront exposées à partir du mois de janvier.
Il y a d’abord l'exposition des œuvres qui va être faite dans le sud du Bénin, probablement au musée de Ouidah, qui vient d'être entièrement rénové. Puis il y a un musée en construction à Abomey, l'ancienne capitale royale du Dahomey, que la France et le Bénin ont décidé de cofinancer. Donc, ce nouveau musée sera prêt dans deux ou trois ans et accueillera définitivement les œuvres qui seront de retour sur leur terre d'origine.