La fin de l’héroïne au Québec?
Radio-Canada
« De l’héroïne, pour plus de 90 % des usagers, il n’y en a plus, affirme le directeur de Cactus Montréal, Jean-François Mary. Et lorsque les gens réussissent à en trouver, elle est toujours coupée avec beaucoup de fentanyl. De l’héroïne sans fentanyl, ça n’existe plus. »
Depuis avril dernier, l’organisme qui intervient auprès des personnes utilisatrices de drogues offre un service gratuit d’analyse de substances. Grâce à un spectromètre, il est en mesure d’obtenir la composition des drogues fournies par les consommateurs.
Tout de noir habillé, coiffé de son éternel képi, Jean-François Mary n’a pas exactement l’allure d’un scientifique de laboratoire. Pourtant, grâce à sa machine (et à une exemption fédérale qui lui permet de manipuler ces substances prohibées), il sauve des vies. Or, malgré ce nouvel outil, les surdoses font partie du quotidien des utilisateurs.
Bien sûr que c’est inquiétant! lance-t-il. Une erreur de dosage avec de l’héroïne, ce n’est pas si dangereux. Mais avec du fentanyl, tu viens de doubler, tripler ou quadrupler la dose. Et chaque fois, si tu es tout seul, tu vas mourir.
Malheureusement, c’est ce qui arrive souvent. Au Québec, d’octobre 2020 à septembre 2021, il y a eu 455 décès liés à une intoxication suspectée aux opioïdes ou à d'autres drogues, selon l’Institut national de santé publique du Québec. En comparaison, on dénombrait 233 morts en 2019.
L’an dernier, en plein couvre-feu, Alexandra de Kiewit, intervenante en toxicomanie au Dispensaire de Saint-Jérôme et utilisatrice d’opiacés, a bien failli faire partie de ces tristes statistiques.
J’ai acheté du fentanyl parce que c’est tout ce que j’ai trouvé, dit la femme toute menue à la poitrine tatouée. J’ai fait la moitié de ma dose habituelle et je me suis retrouvée à l’hôpital direct. Et j’ai une énorme tolérance... En 23 ans de consommation, c’est la deuxième fois que je fais une surdose. Si j’avais été seule, je ne serais probablement pas là pour te parler.
Elle aussi fait tester sa drogue avant de se faire une injection. Juste de l’héroïne, je ne suis pas certaine que ça existe encore. Et quand on en trouve, c’est extrêmement coupé avec du fentanyl, ou, encore pire, avec des benzodiazépines, le mélange le plus fatal.
Selon un sondage téléphonique effectué en 2020 à l’initiative de la Dre Julie Bruneau, chercheuse au Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CRCHUM), auprès de 225 personnes qui utilisent des drogues, 68 % des consommateurs d'opiacés ont dit avoir vu une augmentation de la circulation du fentanyl.