
La débâcle d’Evergrande, reflet des défis économiques de la Chine
Radio-Canada
Le géant de l’immobilier chinois Evergrande est au bord du gouffre, endetté à hauteur de 300 milliards de dollars américains; d’autres entreprises du secteur sont dans une situation analogue. Comment en sont-elles arrivées là et qu’est-ce que cela révèle sur l’économie du pays? Éclairage avec deux experts.
Les « villes fantômes (Nouvelle fenêtre) » qui ont poussé dans plusieurs provinces de Chine ont fait les manchettes ces dernières années. On y voit des squelettes d’immeubles d’habitations de 30 étages qui s’étendent parfois sur des kilomètres – chantiers inachevés ou encore propriétés flambant neuves, mais pratiquement vides, faute de demande locale.
Maintenant, le groupe immobilier Evergrande, le deuxième en importance au pays, fait face à une dette abyssale et peine à livrer des appartements en chantier, car il manque de liquidités pour terminer les travaux. En septembre, des dizaines de propriétaires lésés ainsi que des fournisseurs non payés ont manifesté devant le siège du groupe, à Shenzhen, fait plutôt rare en Chine.
Les craintes d'une faillite d'Evergrande ont affolé les marchés internationaux. Malgré tout, le groupe est parvenu in extremis à honorer un paiement d’intérêts de 83,5 millions en octobre, mais nul ne sait s’il sera en mesure de le faire à nouveau. Et d’autres entreprises immobilières (Sinic, Fantasia, China Properties Group) sont dans le même bateau. Des observateurs craignent, en cas de défaut, une contagion à d’autres secteurs de l’économie chinoise.
Cette situation tire son origine de la crise économique de 2008, où Pékin, craignant une agitation sociale et des répercussions politiques, a investi massivement afin d’alimenter la croissance.
Un gouvernement qui n'est pas élu tient sa légitimité de sa capacité à améliorer le bien-être de la population, donc ses revenus. L'important pour la Chine à ce moment-là, c'était de continuer à avoir de la croissance économique, y compris par l'endettement, explique Mary-Françoise Renard, professeure d’économie à l’Université Clermont Auvergne et auteure de La Chine dans l’économie mondiale.
Les gouvernements locaux – qui ont un poids très important en Chine – et les banques ont grandement investi dans la construction immobilière et les infrastructures. Si bien que l’immobilier et les secteurs connexes représentent maintenant environ 30 % du PIB.
À court terme, ça a un certain impact économique, parce que cela crée de l'emploi. Mais, à moyen ou à long terme, si ces investissements ne sont pas rentables, par exemple si les immeubles ne correspondent pas à un besoin, évidemment, ça cause un problème, continue la chercheuse.
Pour les gouvernements locaux – qui n’imposent pas de taxe foncière – les revenus tirés de la vente de terrains aux promoteurs immobiliers représentent quelque 40 % de leurs ressources, contribuant aussi à cette dynamique de croissance un peu artificielle. La corruption rampante alimente également le problème.