L’urgence de créer des artistes après plus de deux ans de pandémie
Radio-Canada
Pour plusieurs humoristes, la période postpandémie insuffle un sentiment d'urgence, un besoin de créer sans attendre les délais, et une conscience sociale plus grande.
Le contact avec le public des festivals et des salles a repris avec frénésie partout au Québec cet été, mais la pandémie a permis d'apprendre à la dure qu'il ne faut rien tenir pour acquis, particulièrement en ce qui a trait aux les arts de la scène, selon les gens du milieu.
S'il est difficile de cerner l'ampleur des répercussions qu'aura eues la pandémie de COVID-19 sur le domaine artistique à l'heure actuelle, des artistes dressent certains constats. En isolement à la maison, comme les autres citoyens et citoyennes, plusieurs ont eu les yeux rivés sur les mêmes enjeux.
Un paradoxe a été celui d'une plus grande conscientisation sociale, même si les gens étaient plus isolés physiquement que jamais. Parce que la pandémie a tout arrêté, on regardait tous les mêmes nouvelles. Tout le monde était branché au même moment. Ça a remis le "focus" sur plusieurs problèmes, dit le comédien, auteur et metteur en scène Mathieu Quesnel, évoquant notamment le mouvement La vie des Noirs compte (Black Lives Matter) et la poursuite du mouvement #MoiAussi.
L'humoriste Emna Achour, au cœur du collectif d'humour féminin Les Allumettières, dit voir quasiment un point de non-retour avec tout ce qui s'est passé durant ces deux années de pandémie.
Le fait qu'on avait beaucoup de temps, qu'on ne pouvait pas sortir, ç'a été un moment où beaucoup de gens se sont mis à lire sur des sujets comme les injustices sociales, comme le racisme, le féminisme, a-t-elle affirmé en entrevue alors qu'elle présentait le spectacle collectif Québécoises au Zoofest de 2022, coup de cœur du public.
J'étais déjà un peu engagée, politisée avant la pandémie, mais je me permettais dans mes numéros d'humour des trucs vraiment absurdes et pas du tout engagés. Mais là, on dirait que je suis incapable de monter sur scène et de faire un numéro "pas engagé". Dans ma tête, il y a tellement de sujets à aborder, de choses à dénoncer et d'injustices à mettre en lumière, a-t-elle fait valoir.
Allana Lindgren, professeure agrégée à la Faculté des beaux-arts de l'Université de Victoria et doyenne de cette faculté, va jusqu'à dire à propos de la relève que le pourcentage d'étudiantes et d'étudiants très motivés par des questions d'identité, ou la crise climatique, ou politiquement engagés, socialement conscients, c'est presque 100 %.
En ce qui a trait au contenu, [les étudiantes et les étudiants] essaient de comprendre qui ils sont, ce qui a de l'importance à leurs yeux, où ils veulent aller, et même avant la pandémie, ce n'était pas toujours que joyeux; les jeunes peuvent aussi être assez sombres. Et cette obscurité a trouvé un nid à travers différents types de travail, ajoute Mme Lindgren.