L’Éthiopie, « Yougoslavie d’Afrique »?
Radio-Canada
Nouveau Rwanda? Future guerre de « Yougoslavie africaine » ? Le conflit en Éthiopie (110 millions d'habitants, second pays d'Afrique) a passé le 4 novembre le cap de sa première année, avec des développements en cascade tout au long de la semaine. Le gouvernement central a lancé d’inquiétants appels à « noyer l’ennemi dans le sang » et à « écraser les traîtres ».
Il y a tout juste un an, les forces fédérales d’Addis Abeba envahissaient la région autonome du Tigré, à l’extrême nord de cet immense pays qui compte des dizaines d’ethnies.
Ce qui ne devait être au départ, selon le gouvernement central, qu’une rapide opération chirurgicale pour purger un gouvernement régional récalcitrant ressemble de plus en plus à une guerre générale qui – au-delà de la première région concernée – pourrait entraîner tout un pays.
Le chef du gouvernement fédéral, Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, est de plus en plus dénoncé comme un fauteur de guerre, qui a joué avec le feu sur une poudrière ethnique.
Son initiative militaire du 4 novembre 2020 contre un gouvernement régional rétif, rebelle, tenté par la sédition, voire la séparation, a fait complètement boomerang.
Ses dernières interventions ne ressemblent pas du tout au personnage que le comité Nobel d’Oslo avait récompensé il y a deux ans, pour avoir fait la paix avec l’Érythrée, la voisine du nord, et mené avec succès sa diplomatie dans plusieurs coins d’Afrique.
Il faut entendre ce que ce même personnage déclarait le 3 novembre au quartier général des forces armées, peu après avoir déclaré l’état d’urgence et appelé à la mobilisation générale : Ce groupe de bandits n’arrivera pas à ses fins. Ils sont en train de construire une grande fosse (…) dans laquelle l’ennemi sera enterré. Nous allons noyer cet ennemi dans notre sang (…) nous allons humilier nos ennemis. Nous profitons de cette opportunité pour appeler à combattre les traîtres.
Paroles étonnantes dans la bouche d’un prix Nobel de la paix, rapportées dans Le Monde du 4 novembre.
Depuis un an, l’Éthiopie est un désastre humanitaire, qui s’est largement déroulé à huis clos à cause du blocus total imposé pendant sept mois à la province du Tigré. Une région qui ne fait pas 7 % de la population éthiopienne, mais qui dispose d’une puissante armée régionale, naguère hégémonique à l’échelle du pays, et dont on voit aujourd’hui la foudroyante capacité d’action.