L’été de l’aliénation dans les Prairies
Radio-Canada
La grogne envers le gouvernement fédéral et le reste du pays n’a absolument rien de nouveau en Alberta, mais elle est devenue cet été le principal thème de la course à la direction du Parti conservateur uni.
Dans l’espoir de devenir chef et premier ministre le 6 octobre, les candidats à la succession de Jason Kenney se sont lancés dans une surenchère de promesses pour rompre avec le gouvernement fédéral, rien pour réchauffer les relations déjà glaciales entre Edmonton et Ottawa.
Meneuse présumée de cette course, selon plusieurs observateurs, Danielle Smith fait de la Loi sur la souveraineté de l’Alberta sa priorité absolue et la pierre angulaire de sa campagne. Essentiellement, l’ancienne chef du parti Wildrose souhaite que l’Alberta puisse refuser d’appliquer sur son territoire des lois fédérales qu’elle juge contraires à ses intérêts. Cette loi, dont les détails demeurent encore flous pour l’instant, vise aussi à donner unilatéralement le pouvoir à l'Alberta de refuser d’appliquer des jugements des tribunaux fédéraux si la province les estime nuisibles.
Une proposition dénoncée autant par les milieux d’affaires, qui craignent qu’une telle initiative effraie les investisseurs et crée des turbulences économiques, que par des constitutionnalistes, qui jugent carrément illégale une telle démarche.
Une idée tellement radicale que même Jason Kenney n’a pu s’empêcher de sortir de la réserve qu’il s’est imposée durant cette course pour qualifier de cinglée cette idée de Sovereignty Act portée par Danielle Smith.
Les deux autres favoris de cette course ne sont pas en reste. Travis Toews, ancien ministre des Finances, propose de faire une réforme en profondeur de l’impopulaire programme de la péréquation et de jeter les bases d’un fonds de pension provincial pour remplacer en Alberta le Régime de pensions du Canada. Comme le gouvernement Kenney le fait présentement, l’ancien ministre voudrait lui aussi évaluer l’idée de se débarrasser de la GRC pour la remplacer par une police provinciale.
S’il juge quant à lui que l’idée de Loi sur la souveraineté n’est pas réaliste, Brian Jean ne promet rien de moins que de lancer une ronde de négociations constitutionnelles avec le reste du pays pour doter l’Alberta d’une plus grande autonomie dans la fédération.
Brian Jean, lui aussi un ancien chef du défunt parti populiste Wildrose, promet de faire ce qu’aucun premier ministre albertain n’a osé demander depuis plus de 30 ans.
Pour le professeur de science politique au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta Frédéric Boily, ce niveau d’attaques contre le gouvernement fédéral est du jamais-vu.