
Kamasi Washington et Ravi Coltrane : aux noms des pères, des fils et du jazz
Radio-Canada
Il y a bien longtemps que des tas de festivals où figure l’appellation « jazz » en ont perdu le sens et l’essence. Pas le Festival international de jazz de Montréal. Et le week-end qui vient de se terminer vient de prouver au centuple.
Il s’est passé quelque chose d’énorme, samedi, aux deux tiers du concert du saxophoniste Kamasi Washington et The Next Step sur la place des Festivals.
Lors de la finale à rallonge supersonique de la composition The Truth, Washington, son père Rickey (flûte traversière) et Ryan Porter (trombone) ont fait exploser la ligne mélodique soutenue par la contrebasse déjantée de Miles Mosley et la cavalcade d’ivoires de Cameron Graves, pendant que les batteries de Mitch Mitchell et de Tony Austin propulsaient le tout dans la stratosphère avec autant d’aisance que la Fusée XL5 s’envolait vers l’espace dans ma jeunesse.
La clameur de la foule qui a salué la performance n’était rien de moins que tonitruante, comme si, tous et toutes, au même moment venaient de voir la lumière. Banal, dites-vous? On voit ça à tous les grands concerts extérieurs? Pour de la pop, du rock et du hip-hop, très souvent. Mais rarement sinon jamais pour un concert de pur jazz en plein air.
Saluons l’audace. Le Festival de jazz n’a pas hésité à offrir la soirée du samedi soir à la plus grande vedette du jazz moderne de sa génération, qui a fait d’ailleurs éclater l’idiome avec ses ajouts et son métissage qui empruntent à une foule de genres musicaux.
Le pari était osé. Le résultat a dépassé les attentes.
Washington, héritier d’un Sonny Rollins pour le souffle et la puissance et d’un Pharoah Sanders pour la technique et l’apport harmonique, redéfinit à sa manière le jazz. Son répertoire peut être à la fois instrumental et vocal à la fois, ici, par l’entremise de la chanteuse Patrice Quinn.
Aventureuse sans être hermétique, sans concession à la facilité, mais néanmoins rassembleuse, la musique de Washington et de ses collègues offre plusieurs niveaux de lecture et de plaisir sur scène, ne serait-ce qu’en raison de la qualité phénoménale des instrumentistes.
The Garden Path, récente composition du collectif, a mis en vedette Mosley qui a martyrisé les cordes de sa contrebasse avec son archet comme s’il s’agissait d’une guitare électrique rugueuse durant la période grunge. Ça déchirait sérieusement, mais sans jamais déroger à l’ensemble.