Juste Pour Savoir : de fausses informations sur la pandémie dans une vidéo virale
Radio-Canada
Une longue vidéo (Nouvelle fenêtre) dans laquelle trois scientifiques québécois discutent de la pandémie est devenue virale depuis sa mise en ligne au début de février et a cumulé plus de 200 000 visionnements sur plusieurs plateformes, dont Facebook. Ils y dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une absence de débat sur l’approche pandémique et la difficulté pour la communauté scientifique de déroger au « message dominant » et gouvernemental. Mais certaines des informations véhiculées ne résistent pas à l’épreuve des faits.
Très nombreux sont les lecteurs qui ont signalé cette vidéo à l’équipe des Décrypteurs. Intitulée Juste Pour Savoir - Épisode 1 - Les Scientifiques, il s’agit du premier épisode d’un talk-show [qui] reçoit des spécialistes qui ont des expertises en lien avec la pandémie et qui répondent à nos questions. Il est animé par Éloïse Boies, qui se décrit sur son site web comme actrice, animatrice et musicienne.
Les trois invités – qui spécifient en début de vidéo s'exprimer en leur propre nom – sont le professeur de biochimie à l’UQTR Christian Linard, qui a fait la manchette avant la pandémie (Nouvelle fenêtre) pour ses propos antivaccin, l’ex-chercheur en biotechnologie Bernard Massie, qui a déjà propagé de fausses informations sur les vaccins contre la COVID-19, et Patrick Provost, professeur au Département de microbiologie-infectiologie et d’immunologie de l’Université Laval.
Christian Linard remet en question l’existence même de la pandémie dans les premières minutes de la vidéo.
Il y a une manière de regarder ça froidement. Et là-dessus, les scientifiques s’entendent, c’est de regarder la mortalité, toutes causes confondues. À l’échelle mondiale, on peut avoir une surmortalité lorsque dans un pays ou une région du monde, il y a une canicule, des guerres, des tremblements de terre, des tsunamis. Ça fait monter la mortalité de façon bien précise. Mais si on regarde, pour le corona [...], on s’aperçoit qu’il n’y a pas de surmortalité, toutes causes confondues, dit-il.
Le professeur Linard montre ensuite des études aux autres personnes présentes pour appuyer l’argument selon lequel il n’y aurait pas eu de surmortalité au Canada comme partout ailleurs dans le monde depuis mars 2020. Celles-ci ne sont pas montrées à la caméra.
Il faut noter d’entrée de jeu que les données mondiales actuellement disponibles sur la surmortalité sont incomplètes, notamment en raison des délais nécessaires aux pays pour enquêter sur les décès, mais aussi parce que certains n’ont tout simplement pas la capacité de le faire.
80 % à 90 % des données proviennent de pays développés. [Mais] il y a un manque presque total de connaissances pour les pays en développement, explique Simona Bignami, professeure agrégée au Département de démographie de l'Université de Montréal. Dans la plupart des pays en développement, il n'y a pas de système d'état civil qui fonctionne, ou pas d'état civil tout court.
Mais même avec des données incomplètes, cette affirmation ne tient pas la route. Le site web Our World in Data (Nouvelle fenêtre), qui agrège les données officielles des autorités partout dans le monde, permet de visualiser le nombre de décès excédentaires dans plusieurs pays depuis le début de la pandémie par rapport à la moyenne des cinq années précédant la crise (2015-2019). En général, on constate une surmortalité assez marquée lors des pics des vagues.