Jeanne Côté, Héron et Parazar, direction la finale des Francouvertes
Métro
Au terme de trois soirs où les neuf demi-finalistes des Francouvertes se sont produit.e.s au Lion d’or, le public et le jury ont rendu leur verdict mercredi soir : Héron, Jeanne Côté et Parazar passent en finale du renommé concours musical.
Une pléthore de prix — prestations dans des festivals de renom, bourses, résidences d’écriture, séances d’enregistrement, etc. — qui contribueront à l’essor de la carrière des concurrent.e.s leur ont par la même occasion été décernés.
Les trois finalistes, artistes sous le signe de la pop infusée de trad, de la pop-folk alternative et du rap, fouleront les planches du Club Soda le 15 mai lors de la grande finale. Métro vous les présente (et vous suggère de les garder à l’œil… ainsi qu’au creux de vos oreilles)!
Élevée au sein d’une famille de musicien.ne.s à Petite-Vallée, célèbre pour son festival de musique, en Gaspésie, Jeanne Côté crée de douces chansons pop-folk alternatif mettant en valeur sa voix chaude et enveloppante. La musique n’avait jamais été un plan pour Jeanne, qui lui préférait la littérature. Jusqu’à ce que sa grande sœur quitte la maison, la laissant à de longs tête-à-tête avec le piano, dont elle joue depuis l’enfance, raconte en entrevue avec Métro la créatrice de l’album Suite pour personne, paru en janvier dernier.La graine de la composition germant en elle, elle s’est alors inscrite au premier séjour pour ados du Camp chanson de Petite-Vallée. C’est là que, sous l’égide des formateurs Patrice Michaud et Nelson Minville — « on était cinq jeunes très, très bien accompagné.e.s! » —, l’adolescente rêveuse, prompte à tomber dans la lune, a créé sa première chanson. Se perdre dans ses pensées en regardant par la fenêtre, en classe comme dans le bus, « ç’a toujours été une espèce de porte de sortie parce que je trouvais le monde un peu plate », avoue Jeanne en riant. « Surtout que j’avais des paysages pas si pires à regarder! » Aujourd’hui, alors qu’elle s’estime accro à son téléphone, la résidente du Plateau-Mont-Royal souhaite s’abandonner plus souvent à la contemplation, salutaire à la création. « Quand j’écris, je vais dans un café, je bloque tout ce qui est technologique… et je regarde par la fenêtre. C’est ce qui fait naître mes premières idées. Quand on est tout le temps déconcentré par ses appareils — ça a l’air cliché —, mais ça ne laisse pas le temps aux affaires d’arriver, aux idées créatives de se pointer. » La propension de Jeanne, qui compte parmi ses inspirations Marie-Jo Thério, Catherine Major et Kate Bush, à imaginer ce qui pourrait advenir, c’est ce qui l’a poussée à s’établir à Montréal en 2012, et ce qui lui donne maintenant envie de retourner dans sa région natale, qui « forge un caractère », affirme-t-elle. Malgré la chaleur de la communauté, « il y a de longs moments où on est pogné tout seul, relate Jeanne Côté. C’est un grand territoire avec peu de monde. » Ces innombrables moments de solitude entourée des éléments parfois impétueux de la nature, « que tu dois intégrer pour vivre avec », lui ont d’ailleurs fortement inspiré son premier album. Mais pour l’heure, elle savoure son passage aux Francouvertes, qui réalise en grande partie ce à quoi elle aspire avec son projet, qui n’est pas « flashy, qui ne va pas dans l’extravagance ». Au contraire, « être dans la plus simple expression, ça fait partie de ce que je veux présenter. C’est touchant que ça se soit entendu. J’espère continuer à gagner des gens sensibles à ce que je peux leur apporter ».
Héron, c’est le projet solo d’Henri Kinkead, qui fusionne les sonorités de la musique traditionnelle québécoise (violon prééminent et touches de podorythmie) à des mélodies pop n’ayant pas peur du festif. Dans l’enfance, le musicien originaire de Québec, qui a installé ses pénates dans le Plateau-Mont-Royal depuis deux ans, jammait déjà dans le salon avec son père « tripeux de guitare » et son frère jumeau, Simon, chantant du Rolling Stones ou du Claude Dubois, se remémore-t-il en entrevue avec Métro. Henri crée depuis toujours avec « sa tendre moitié », comme il a surnommé son frère sur scène, ce dernier accompagnant Héron à la guitare. Ensemble, ils forment le groupe indie-pop portant leur patronyme, qui continuera d’évoluer en parallèle d’Héron, assure Henri. Kinkead en est même à finaliser un album, indique-t-il, qui succédera à Migration, paru en 2020. Or, lorsqu’Henri s’est déposé à Montréal durant la pandémie, il a ressenti le besoin de réaliser un projet solo. Amateur de musique folk depuis toujours, celui qui s’est connecté à la musique québécoise par l’entremise des Vincent Vallières, Karkwa et Louis-Jean Cormier a plongé dans le répertoire traditionnel québécois, mû par la curiosité. Et il a découvert un « matériau créatif magnifique », « une source inépuisable d’inspiration » qui l’a amené à rencontrer plein de gens férus de trad et de « patrimoine vivant ». Il souhaite d’ailleurs un jour collaborer avec des artistes qui s’intéressent au folklore d’autres cultures. « Une fois qu’on s’est approprié notre propre folklore, on peut ouvrir la porte et faire de réels échanges avec des gens sans tomber dans l’emprunt ou l’appropriation culturelle. Pour moi, il y a là quelque chose de très porteur », estime le guitariste qui rêve de s’envoler sur les routes du Québec aux côtés des musicien.ne.s qui l’accompagnent sur scène. « Ce serait un super exploit! » Les textes d’Héron sont imprégnés du territoire, une façon « de parler de thèmes rassembleurs au vécu québécois », tout en s’ancrant dans son présent. La nature, les grands espaces sont pour lui « source de réconfort et de paix » dès qu’il s’évade de la ville, tel son safe space à Bonaventure, en Gaspésie, où il s’est réfugié l’hiver passé. Parlant de refuge, la musique en fut un de taille lorsque Henri s’est révélé à lui-même quant à son orientation sexuelle. « Mes souvenirs les plus forts liés à l’émancipation et à l’acceptation de soi sont liés à la musique, confie-t-il. Frank Ocean m’a sauvé la vie — j’étais pas en danger de mort, mais t’sais… » Et celle qu’il crée aujourd’hui est l’exutoire de ses questionnements identitaires, son coming-out lui ayant inspiré maintes chansons, tandis que son rapport à la fluidité de l’identité, notamment sexuelle, lui fait encore aujourd’hui « constamment découvrir de nouvelles choses ».
Éblouissante de charisme sur scène, la rappeuse Parazar mêle des sonorités raï algériennes, héritées de ses origines, à ses influences old-school et modernes. Élevée à Montréal-Nord et résidant aujourd’hui dans l’est de l’île, la Montréalaise initiée au rap grâce à sa sœur et son frère aîné.e.s — « on se passait un baladeur! », dit-elle à Métro — se prédestinait plutôt à l’humour. Un jour qu’elle se dirigeait en studio pour enregistrer une chanson à saveur humoristique destinée à un projet de capsules vidéo, elle a subitement rebroussé chemin, sous le coup d’une révélation fortuite, mais implacable : c’est dans le rap qu’elle ferait carrière. C’est là qu’elle se sentait elle-même. Épiphanie qui lui a d’ailleurs inspiré son nom de scène. « Le nom Parazar commence tellement à accumuler les significations autour de moi, t’as même pas idée! », pouffe Houria de son véritable prénom, qui signifie « liberté », indique-t-elle. Forte d’un premier mini-album, C’est live, sorti en 2021, la rappeuse du giron Bravo musique écrit des chansons aux paroles régies par ses émotions, dont les couplets rappés se jumellent souvent à des refrains accrocheurs. C’est avec son ami Fifo qu’elle compose la musique de Parazar et partage la direction artistique du projet. « Lui et moi, c’est le match parfait. On se comprend bien et on essaie de toucher à de nouvelles choses encore. » Le fait qu’elle aborde des sujets parfois plus sérieux n’empêche en rien Parazar d’irradier de joie en concert, où elle s’adresse au public comme à « la famille ». « C’est comme quand j’étais plus jeune et que je faisais un spectacle devant ma famille dans le salon. C’est la même chose. On est ensemble, on est en famille, on est à l’aise », explique-t-elle, souhaitant que les spectateur.trice.s se sentent aussi à l’aise avec elle qu’elle l’est auprès de ses parents, de ses sœurs, de son mari. Si elle met à profit son humour dans la création de contenus sur TikTok et la plateforme Mordu de Radio-Canada, c’est dans ses interactions chaleureuses avec le public et ses mises en scène qu’elle laisse libre cours à cet aspect de sa personnalité lorsqu’elle rappe, fait observer Parazar, qui avoue rêver de l’international.Son désir le plus cher demeure néanmoins de subvenir aux besoins de sa famille afin qu’elle soit bien. « Peu importent les moyens que j’ai, qu’ils soient grands ou petits, j’adore partager, donner. C’est vraiment un de mes objectifs. »
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