Je ne ferai pas de chronique sur Joyce Echaquan
Radio-Canada
Ces derniers jours, je me suis questionnée sur la meilleure approche à prendre pour parler de cet événement tragique qui a laissé une marque au Québec il y a un an. J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur différents sujets à travers les chroniques que j’ai pu écrire. Mais aujourd’hui, j’ai pris une décision. Je ne ferai pas de chronique sur Joyce Echaquan.
Je me souviens encore du moment où j’ai ouvert la vidéo de Joyce. Sa détresse est encore très vive dans ma mémoire. Cette même détresse qu’on a pu voir et revoir dans tous les médias par la suite. Ses appels à l’aide ont amplifié les voix collectives des nations autochtones à travers le Québec et même à l’échelle nationale.
On avait enfin une preuve de ce qui avait été dénoncé maintes fois. Dans le rapport de la commission Viens, on rapporte notamment qu’il y a de la discrimination systémique au sein des services sociaux et de santé. Ce rapport était paru le 30 septembre 2019. Presque un an avant les appels à l’aide de Joyce. Parce que, oui, filmer cette vidéo n’était pas pour dénoncer ou même revendiquer des droits. C’était le dernier recours d’une femme qui craignait pour sa vie.
J’ai décidé que je ne ferai pas de chronique sur Joyce. Parce que la couverture médiatique de son décès a été énormément éprouvante. On nous écoutait enfin, on débattait dans l’espace public du racisme systémique. Mais c’est justement ça. On débattait. dans l’espace public. Et c’est encore le cas aujourd’hui.
Il est nécessaire qu’on se penche sur un sujet collectivement pour en arriver à des solutions ensemble. Par contre, constamment faire face à des événements éveillant des traumatismes dans les médias peut être très épuisant. Il en va de même pour les pensionnats. Un autre sujet très présent au sein de nos communautés. Cela demande une immense charge émotionnelle de débattre sur des réalités qui nous affectent directement.
Certaines personnes cherchent aussi à se défaire d’un sentiment de culpabilité et je comprends. Apprendre que le système dans lequel on vit a permis ce genre de violence peut être un énorme choc. Mais ce n’est pas aux personnes autochtones de donner des réponses.
J’aimerais ajouter aussi qu’on ne doit pas se sentir coupable pour des événements du passé. Mais il reste la responsabilité de dénoncer les injustices actuelles et d'exiger de l’État des réparations pour les torts faits aux personnes autochtones. Car les plaies sont encore bien ouvertes pour certains.