Il y a 15 ans, le couperet tombait sur la Belgo à Shawinigan
Radio-Canada
29 novembre 2007. Cette date, comme un coup de tonnerre, change le paysage industriel de la Cité de l’énergie, Shawinigan. La Belgo annonce alors sa fermeture, la fin d’une époque. Quinze ans plus tard, les souvenirs sont encore bien présents pour les anciens travailleurs et élus.
C’est un jeudi. Les patrons de l’Abitibi-Consolidated sont en ville, mais loin d’eux l’idée de célébrer. Ils viennent annoncer que la papetière en activité depuis plus de cent ans dans la baie de Shawinigan cessera la production de façon définitive en mars 2008. D’un seul coup, 560 travailleurs apprennent que l’aventure tire à sa fin.
La Belgo, c'est tout ce qu'avait connu Serge Hould, comme plusieurs de ses collègues. De son premier jour à l’usine, alors âgé de 18 ans, jusqu'au dernier jour alors qu'il en avait 54, Serge aura mis la main à la pâte. Quinze ans ont passé, et les souvenirs de cette fermeture sont encore douloureux. Cette usine aura été sa maison pendant 36 ans de carrière loyale.
J’étais plus souvent à la Belgo que chez nous. La journée de fermeture a fait mal. Je suis entré à huit heures du matin, et à onze heures je suis reparti, j’étais en larmes. Quand ils m’ont appelé pour me demander si j'étais correct, j’ai dit que oui, mais la Belgo, c'était ma vie, reconnaît-il.
L'annonce a eu l'effet d'une bombe à l'intérieur des murs puisque, malgré les interruptions de production ponctuelles, la plupart des travailleurs s’attendaient à ce que l’usine Laurentide de Grand-Mère ferme la première. Les cadres en avaient d’abord été informés. C'est à eux que revenait la lourde tâche d'annoncer à leurs collègues, leurs amis, de nombreux pères de famille, que la clé serait mise sous la porte pour de bon. Christian Roberge, un cadre à l’époque, se souvient du séisme qu’a causé la fin de la Belgo.
C’était très difficile parce que des gars venaient me voir. Ils pleuraient et se demandaient ce qu’ils allaient faire. Moi aussi, j’étais sonné. Je me rappelle un moment en particulier où j’avais dit à un collègue de rentrer chez lui, car sa femme perdait connaissance quand elle vivait un choc émotionnel. Il s’était alors assuré que son fils était avec elle quand la nouvelle allait sortir. Notre collègue, lui, tenait à vivre cette journée avec nous dans l’usine jusqu’à la fin, se remémore-t-il.
S’ensuit un exil pour des dizaines de familles. Christian Roberge est l'un de ceux qui ont quitté la région afin de trouver un nouvel emploi qui offrait les mêmes conditions. Ses deux fils resteront en Mauricie.
Il y a quand même des dommages collatéraux, j'avais un gars qui était encore à la maison et il a fallu qu'il se trouve un appartement. Et moi, je suis allé travailler chez Kruger dans Lanaudière, raconte-t-il.
C'est toute une ville qui a encaissé le coup en novembre 2007, avec à sa tête l'ancienne mairesse Lise Landry. Les patrons de la Consol lui ont annoncé la fermeture à l’hôtel de ville, en compagnie des autres membres du conseil. Mme Landry garde d’ailleurs en souvenir la une du Nouvelliste de l’époque.