Hausser les taux pour lutter contre l’inflation, le mauvais remède croit un économiste
Radio-Canada
Aux États-Unis, au Royaume-Uni, en zone euro, mais aussi dans la plupart des économies émergentes, les hausses de taux directeurs se succèdent à un rythme effréné afin de ralentir l'inflation. Mais les critiques montent sur le risque de casser ainsi la croissance.
Cela me rappelle ce qui se passait avec les saignées, a affirmé le Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz au cours d'un entretien à l'AFP, en référence à la pratique dès l'Antiquité consistant à faire saigner un malade pour le guérir.
« Lorsque l'on faisait une saignée à un patient, généralement il ne guérissait pas, sauf miracle. Alors on le saignait encore plus, et sa santé s'aggravait d'autant plus. Je crains que les banquiers centraux soient en train de faire la même chose en ce moment. »
Cette semaine encore, les banques centrales américaine, britannique et européennes devraient sans surprise poursuivre leur resserrement. La Fed pourrait ainsi relever ses taux mercredi de 0,75 point, voire d’un point entier de pourcentage, après déjà quatre hausses depuis mars.
Celles d'Afrique du Sud, du Brésil et de Suède devraient aussi afficher un ton résolu à s'attaquer à l'inflation.
L'objectif est d'augmenter le coût du crédit accordé aux ménages et aux entreprises, de ralentir le marché de l'emploi, les progressions des salaires, et au bout du compte la hausse des prix.
Mais après six mois de guerre en Ukraine et des conséquences dévastatrices sur certaines régions du monde, certains s'inquiètent des conséquences de politiques si restrictives et intervenant de manière synchronisée.
Est-ce que l'économie avait vraiment besoin de cela pour freiner? s'interroge Eric Dor, directeur des Études économiques à l'école de commerce IESEG.
Selon lui, l'inflation a créé elle-même la baisse de l'activité, les ménages perdent du pouvoir d'achat, l'augmentation des salaires est inférieure à l'inflation, et représente un frein à la consommation, particulièrement pour l'Europe, où les hausses de taux risquent de fragiliser encore davantage l'économie.