Guerre en Ukraine : des scientifiques écopent de sanctions et se sentent « dépassés »
Radio-Canada
Il y a un mois « tout s'est écroulé » pour Boris, chercheur en neurosciences à Paris. Comme des milliers de ses pairs, il a vu sombrer ses projets de recherche bâtis en coopération avec la Russie, après la rupture avec Moscou.
L'Agence spatiale européenne (ESA), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), le Massachusetts Institute of Technology (MIT), dans les jours suivant l'invasion de l'Ukraine, plusieurs institutions scientifiques réputées ont coupé une grande partie des ponts les reliant aux Russes.
Un coup dur pour la diplomatie scientifique, notamment dans le domaine spatial civil, où les puissances occidentales et la Russie avaient tissé des liens étroits depuis la fin de la Guerre froide au début des années 1990.
La décision fut douloureuse, commentait la semaine dernière Josef Aschbacher, le patron de l'Agence spatiale européenneESA, dont les 22 États membres venaient de confirmer la rupture avec leurs homologues de Roscosmos.
Première victime : la mission ExoMars, qui devait décoller avec une fusée russe depuis Baïkonour (Kazakhstan) à l'automne 2022, et se voit reportée d'au moins deux ans.
Un naufrage pour des milliers des scientifiques d'Europe et de Russie investis depuis des années dans ce projet, crucial pour la quête d'une vie extra-terrestre; eux qui formaient une communauté mondiale ouverte, mue par un idéal d'une science sans frontières, et se remettaient tout juste de la pandémie de COVID-19.
C'est dans ce même esprit que Boris, chercheur à l'École normale supérieure et à l'Inserm, avait fondé un centre de sciences cognitives, à Moscou, adossé à la Higher School of economics – une école créée dans les années 1990 par des économistes russes progressistes.
Ses étudiants voyageaient dans différents laboratoires à travers l'Europe, lui partait donner des cours en Russie.
C'était un modèle transfrontalier unique dans le domaine des neurosciences, raconte à l'AFP cet Américain d'origine soviétique vivant en France – qui a préféré taire son patronyme.