Feu de Francine Ouellette : la dernière maille de notre histoire
Radio-Canada
Après plus d’un quart de siècle consacré à fouiller et à écrire l’histoire commune des Premiers Peuples et des Blancs en suivant le cours de la Kichesipi et de la Wabozsipi, Francine Ouellette met un point final à son ambitieux projet littéraire.
Dans sa maison bordant le Lac-des-Îles, les planchers du rez-de-chaussée ont de la jasette autant que les murs de son bureau, sur lesquels sont notamment accrochées plusieurs vieilles cartes de la région.
Les lieux racontent à leur manière toutes les années que Francine Ouellette a consacrées à écrire Feu. De La Rivière profanée, paru en 2004, à Wabassee, publié cet automne, la romancière couvre en six tomes plus de 300 ans d’une histoire métissée et ancrée dans le territoire outaouais, par le biais de Loup-Curieux et N’Tsuk, Pierre et Isabelle Vaillant, et leurs descendants. Au point de départ, je voulais écrire l’histoire de deux peuples : les arrivants et ceux qui étaient là avant, explique-t-elle
« Je vois l’histoire comme un grand tricot où chaque être humain est une maille du tricot. Moi, maille par maille, avec un brin de laine amérindien et un brin de laine européen, j’ai tricoté cette histoire-là [...], qui est l’histoire de nous tous. »
Parmi les nombreux documents d’archives, ouvrages de référence et reliures détaillant chacun de ses personnages se cache le plus impressionnant: une série de cartables contenant les six tomes de Feu, dont Francine Ouellette a écrit les premières versions entièrement à la main. Des milliers de pages, raturées et annotées, avant d’être retranscrites à l’ordinateur.
Peut-être que c’est dû à mon âge!, lance la septuagénaire en riant. Quand je réfléchis à mes personnages, il faut que j’écrive. J’ai essayé sur l’ordinateur, directement, mais ça ne vient pas.
C’est en canot et en avion que la romancière a exploré et survolé la rivière des Outaouais (la Kichesipi) et la rivière du Lièvre (la Wabozsipi). C’est à pied qu’elle en a arpenté les berges, du Ruisseau mystérieux en Haute-Lièvre jusqu’à l’Île-aux-Allumettes dans le Pontiac.
Mais c’est le stylo à la main que Francine Ouellette en a raconté l’histoire, des premières guerres commerciales autour de la peau de castor jusqu’à la grève des ouvriers canadiens-français de la MacLaren à Buckingham en 1906, en passant par la Rébellion des Patriotes et la fondation de Kitigan Zibi.
Francine Ouellette rencontre le maître de drave Edgar Pedneault, au milieu des années 1990. En lui parlant entre autres des raftmans et des fermes forestières de la Haute-Lièvre, le nonagénaire lui fait prendre conscience de pans de l’histoire outaouaise qu’elle connaît peu, voire pas du tout. Il me parlait des cageux, et je ne savais pas c’était quoi!, avoue-t-elle.