Faire cohabiter capitalisme et partage, un défi pour les Autochtones
Radio-Canada
Ce n’est pas n’importe quelle sonnerie qui retentit lorsque le téléphone de Josée Shushei Leblanc s’allume. Cette femme d’affaires innue accomplie a choisi Eye of the Tiger, la chanson qui a été popularisée par le film Rocky.
Mme Leblanc est à l’image de ce morceau : vive et combative. Elle a fondé l’entreprise Atikuss qui propose des bottes, mocassins et autres objets de mode autochtones. Bientôt, elle va ouvrir un écomusée juste à côté de sa boutique, qui a pignon sur le boulevard des Montagnais, à Uashat, une communauté innue enclavée dans la ville de Sept-Îles.
La communauté compte de nombreux entrepreneurs comme Mme Leblanc. Jean Launière par exemple, l’un des trois associés à la tête de Mishkau Construction, raconte que l’entrepreneuriat a toujours été une passion pour lui.
Mais les concepts d’entreprise et de propriété individuelle sont très récents chez les Autochtones, croit M. Launière. Un avis que partage Evelyne St-Onge, une aînée de Mani-utenam, communauté située à 14 kilomètres de Uashat, qui fait découvrir l’histoire et la culture des Innus dans les écoles notamment.
L’argent est arrivé avec la colonisation. On a mis longtemps à connaître la valeur de l’argent. On commence à peine à en mettre de côté, raconte-t-elle.
Elle explique qu'encore aujourd'hui, certains Innus ont du mal à accepter de l'argent des minières ou des forestières pour compenser leurs pertes de territoire. On ne vend pas notre terre. On ne vend pas notre mère, laisse-t-elle tomber.
Les Innus se sont-ils fait en quelque sorte assimiler au niveau économique? Ont-ils dû embrasser le capitalisme en reniant leurs valeurs de partage? La réponse n’est pas catégorique.
L’identité de l’entreprise Atikuss est, au sens de sa fondatrice, Mme Leblanc, le symbole que le mélange des deux est possible. Le perlage qui orne ses bottes est entièrement réalisé par des femmes autochtones en situation de précarité. Elles sont payées entre 15 $ et 20 $ de l’heure, ajoute-t-elle.
Pour Mme Leblanc, c’est sa façon de redonner à sa communauté : déjà 150 000 $ versés à des femmes dans le besoin depuis 2007.