Face à la crise en Haïti, la République dominicaine expulse les immigrants irréguliers
Radio-Canada
BELLADÈRE, HAÏTI - Elle a 19 ans et attend son deuxième enfant. Sa fillette de 15 mois dans les bras, Naïka Pierre a du mal à se remettre de ses émotions, deux jours après son arrestation.
Je marchais vers l’hôpital pour subir une échographie. L’immigration m’a prise et m’a emmenée. C’est une des nouvelles tactiques de la police dominicaine : repérer les femmes haïtiennes enceintes sans papiers qui viennent accoucher dans les hôpitaux de la capitale.
On l’a entassée avec des dizaines d’autres à l’arrière d’un camion grillagé où les gens sont maintenus pendant 4, 5, 6 heures, sans boire ni manger, le temps du trajet entre Saint-Domingue et la frontière avec Haïti.
La jeune maman d’origine haïtienne a été accueillie par une ONG à Belladère, petite ville frontalière qui constitue un des points de passage importants entre les deux pays.
C’est un des principaux endroits où se concentre le va-et-vient de ces camions de l’immigration dominicaine depuis quelques semaines. Surtout depuis l’émission, le 11 novembre dernier, d’un décret présidentiel qui donne aux forces de l’ordre dominicaines des pouvoirs accrus pour expulser les immigrants non documentés du pays.
Ça devient de plus en plus violent, nous dit Rigard Orbé, le responsable du bureau local du Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (GARR), une ONG nationale haïtienne. On a des migrants qui témoignent avoir été victimes de maltraitance et de brutalités policières. Et certains migrants disent avoir été gazés à l'intérieur des prisons.
Dans le centre d’accueil du GARR, plusieurs dizaines d'Haïtiens, surtout de jeunes hommes, quelques femmes et leurs enfants sont assis par terre. D’autres errent dans la cour arrière où se trouvent les dortoirs. On leur remet des produits d’hygiène et un peu de nourriture obtenus en urgence auprès du bureau de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), à Port-au-Prince. On a épuisé les réserves locales, puisque le nombre d’expulsés a augmenté par centaines depuis quelques jours.
Parmi eux, un père de famille âgé de 38 ans qui habitait à Martissant, un quartier de Port-au-Prince ravagé par la guerre des gangs armés depuis juin 2021. Il attendait un visa qui n’arrivait pas pour émigrer en République dominicaine. Incapable de travailler, il s’est enfui avec sa femme et son fils. « J’avais peur pour ma famille, nous dit Dieudonné Gregory. Dans notre rue, il y a des chimères, des terroristes, qui entrent chez les gens et les tuent. Ils volent les biens et détruisent nos maisons en les incendiant. »
Dieudonné a été interpellé au chantier de construction où il travaillait depuis quelques mois. Il a été enfermé dans un centre de détention pendant deux semaines avant d’être expulsé. Un séjour traumatisant pour lui.