Est-ce vraiment le bon moment de baisser les impôts au Québec?
Radio-Canada
Malgré les déficits et la hausse de la dette du Québec, le gouvernement Legault a décidé, cette semaine, de respecter la promesse phare de sa dernière campagne électorale : une baisse d’impôt représentant une dépense de 1,7 milliard de dollars par année et de plus de 9 milliards sur six ans. Si le peuple a voté pour ça, le gouvernement en a-t-il pour autant les moyens?
Juste avant de commencer notre entretien durant le huis clos budgétaire à Québec, mardi, le ministre des Finances, Eric Girard, m’a demandé si je m’étais réconcilié avec la baisse d’impôt promise et maintenant annoncée.
Je ne me rappelle pas avoir donné un avis en faveur ou en défaveur de la baisse d’impôt. Mais je me rappelle très bien en avoir parlé abondamment, surtout à l’émission Zone économie, parce que ce choix mérite d’être débattu, analysé, soupesé, étant donné tout ce qu’implique une baisse d’impôt.
Ce choix fiscal est politique; il était au coeur de la plateforme électorale de la Coalition avenir Québec (CAQ). Respecter ses promesses électorales est un geste digne. Mais ça ne veut pas dire pour autant que c’est le bon geste économique et fiscal à poser. Dire qu’on baisse les impôts parce qu’on l’a promis n’est pas une justification complète de la décision.
Parmi toutes les critiques entendues dans les derniers jours au sujet de la baisse d’impôt, certains ont dit que cet argent aurait dû être réinvesti en santé ou en éducation. D’autres se sont interrogés sur le moment choisi pour procéder à cette baisse d’impôt. Le gouvernement du Québec aurait-il dû reporter sa baisse d’impôt?
Le premier ministre s’en est pris au PDG du Conseil du patronat du Québec, qui a remis en question le « timing » de la baisse d’impôt, en affirmant qu’il est proche du Parti libéral du Québec. Karl Blackburn a répondu au premier ministre mardi soir à Zone économie, se montrant choqué par les sous-entendus du chef du gouvernement et précisant, du même coup, qu’il n’avait pas du tout l’intention de se lancer en politique.
Le premier ministre sait très bien que le PDG du Conseil du patronat n’a pas d’autre choix que de parler au nom de ses membres, et qu’il ne pourrait pas défendre la position qui est la sienne s’il n’avait pas les appuis nécessaires pour le faire. C’est comme ça dans le monde patronal, c’est comme ça dans le monde syndical. Et ce l’est aussi en politique. Il faut suivre la ligne de parti!
Il faut bien comprendre que le Conseil du patronat s’interroge sur le moment choisi pour réduire les impôts, et non pas sur la réduction en soi des charges fiscales, continuellement réclamée par les milieux d’affaires. La remise en question du Conseil du patronat n’est visiblement pas idéologique; elle ne remet même pas en question le choix politique comme tel, qui est celui de baisser les impôts plutôt que d’injecter plus d’argent dans les services publics.
La question qui se pose est simplement de savoir s’il est approprié de baisser les impôts, alors que le gouvernement multiplie les déficits et ne prévoit pas de retour à l’équilibre budgétaire avant 2027-2028. Est-il approprié de détourner ces revenus destinés du Fonds des générations vers des baisses d’impôt, ce qui va contribuer, avec les investissements supplémentaires annoncés dans les infrastructures, à une hausse du ratio de la dette par rapport au PIB cette année, de 37,4 % à 37,7 %?