
Environnement et sauvegarde du caribou: il faut écouter les peuples autochtones
TVA Nouvelles
La Terre est malade et ses peuples aussi. Certains sont déjà plus affectés, notamment les communautés racisées et les peuples autochtones. C’est ce que nous appelons le racisme environnemental.
Mais voilà que s’ajoute une autre facette à cette triste réalité: la surdité. Malgré les solutions et cris du cœur répétés des communautés autochtones, on ne les écoute pas.
La récente annonce du gouvernement du Québec repoussant pour la deuxième fois la mise en place d’une stratégie pour rétablir le caribou en est un exemple évocateur. Cette décision n’est autre qu’une peine de mort contre les hardes de caribou. Un affront direct aux communautés autochtones pour qui cet animal joue un rôle fondamental: nourricier, culturel et spirituel. Les forêts abritent 80% de la vie terrestre et sont une source de subsistance pour 1,6 milliard de personnes dans le monde, dont certaines communautés autochtones du Québec. L’absence d’action visant à protéger le caribou et son habitat, l’absence de réel dialogue et d’écoute des peuples autochtones est en soi une forme de racisme environnemental.
Par l’inaction et l’inertie du gouvernement du Québec, les droits ancestraux des peuples autochtones ont été et sont toujours largement bafoués. Utiliser la science quand elle sert bien les intérêts politiques, mais ignorer les experts et insulter les scientifiques quand ils vont dans une direction opposée à ce qui est désiré, n’est pas une stratégie viable, et n’en sera jamais une. «Consulter» - si consultation il y a - les peuples autochtones en aval d’un projet et le faire dans un format de séances d’information, unidirectionnelles et paternalistes, ce n’est pas du leadership et ne le sera jamais.
Aujourd’hui encore, les communautés autochtones font les frais de politiques discriminatoires qui encouragent la continuité d’un système colonialiste où dominent l’accaparement de terres et des ressources, l’extractivisme et l’exploitation. On comprend mieux la perversité de cette vision lorsqu'on nous dit qu’une forêt abattue vaut plus qu’une forêt debout et qu’on ne veut surtout pas sacrifier un emploi en foresterie pour sauver un caribou.
On nous dit qu’il s’agit de création de richesses; or, lorsque le gouvernement vient puiser directement dans l’épicerie, la pharmacie et les terres des peuples autochtones, c’est plutôt une logique erronée qui opprime et appauvrit. On force les peuples autochtones à changer de mode de vie avec pour résultat des communautés souffrant physiquement, mentalement et spirituellement. Ce n’est pas seulement le caribou qui est menacé dans la forêt boréale, c’est ce fragile équilibre essentiel à la vie.
La Nation Anishnabe du Lac Simon est particulièrement touchée par un historique d’abus, d’exploitation, et un appauvrissement systématique dû à la perte de son territoire. Ici comme ailleurs au Canada, le non-respect du consentement et des droits tout comme le refus de prendre en compte le point de vue des communautés autochtones sur la forêt constituent une forme de racisme systémique et environnemental. Cela ne fait qu’aggraver et accélérer un génocide culturel et la perte identitaire déjà bien entamés par des années de colonialisme et d’abus.
Rappelons-nous l’obligation qu’ont les gouvernements de reconnaître et de réparer les injustices passées et présentes causées aux peuples autochtones, de respecter les droits ancestraux et issus de traités et de fournir un soutien approprié pour garantir le bien-être des communautés et des cultures autochtones. Pour ceci, l’écoute est primordiale. Commençons par la sauvegarde du caribou, ce baromètre vivant de la santé de nos écosystèmes, pour la santé du territoire et de ses populations.
Adrienne Jérôme, cheffe de la Première Nation de Lac Simon et porte-parole du Conseil des femmes élues de l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador (APNQL)