
Entente entre Hydro-Québec et Énergir : des scientifiques inquiets
Radio-Canada
Les audiences à la Régie de l’énergie sur le partenariat entre Hydro-Québec et Énergir s'ouvrent cette semaine. Cette entente vise à développer la biénergie pour aider à gérer les pointes de consommation d’électricité au Québec. Toutefois, pour plusieurs scientifiques et experts, ce rapprochement entre la société d’État et Énergir va à l’encontre des objectifs de décarbonation de la province.
En novembre 2021, la COP26 rassemblait autour d’une même table les dirigeants de ce monde pour convenir de la mise en œuvre des termes de l’Accord de Paris sur le climat signé en 2015. Le premier ministre du Québec, François Legault, était lui-même sur place pour prendre part aux discussions.
Puis, le gouvernement du Québec a fièrement signé l’entente Beyond Oil and Gas. Une initiative internationale regroupant plusieurs États, qui vise à adopter des mesures concrètes pour restreindre la production de pétrole et de gaz sur leur territoire. L’objectif, à plus long terme, est de créer une large coalition internationale afin d’accélérer l’abandon des combustibles fossiles conformément aux termes de l’Accord de Paris.
Pourtant, Hydro-Québec va de l’avant avec son partenariat avec Énergir pour le développement de la biénergie. Concrètement, on veut remplacer les systèmes de chauffage alimentés uniquement au gaz au Québec par un système de biénergie, fonctionnant principalement à l’électricité, qui a recours au gaz naturel dans les épisodes de grands froids. Les deux partenaires estiment que cela générera une réduction de 540 000 tonnes de CO2 d’ici 2030.
Ce partenariat serait problématique et contradictoire, selon le Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec, car il permettrait l’expansion de l’utilisation d’énergie fossile au Québec pour encore quelques années, ce qui va à l’encontre des objectifs de réduction des gaz à effet de serre prévus notamment dans le Plan pour une économie verte 2030 du gouvernement.
Je ne vois rien d'autre qu’une nouvelle façon d’assurer la rentabilité économique d’un scénario de statu quo qui mène à plus de consommation de gaz et d’électricité, affirme l’ingénieur à la retraite Bernard Saulnier, membre du collectif qui regroupe 150 scientifiques de différents champs universitaires.
Avec cette entente, Hydro-Québec devrait verser 400 millions de dollars à Énergir en compensation pour la perte de revenus due à la conversion à la biénergie.
Hydro-Québec donnerait à Énergir l’équivalent de la valeur des crédits d’émissions de GES évitées. Cet argent-là pourrait possiblement servir à étendre le réseau d’Énergir. Et ils veulent avoir la reconnaissance que ce jeu comptable assez créatif deviendra autorisé par la Régie, explique M. Saulnier.
« C’est incroyable de penser que la valeur de crédit de carbone qu’on éviterait serait réinjectée dans l’expansion d’un réseau gazier. On est complètement à l’envers de la logique de décarbonation. »