
Enseigner la musique... en ligne! Enseigner la musique... en ligne!
Radio-Canada
Isabelle Fortin, premier violon de l’Orchestre symphonique régional et propriétaire de l’école Le violon mobile, enseigne à des élèves de Rouyn-Noranda, de l’Abitibi-Ouest et du Témiscamingue. Avant la pandémie, les élèves se rendaient chez elle ou dans un local désigné de leur MRC pour suivre leurs cours de violon.
Mais en mars 2020, lorsque tout le Québec s’est confiné, elle n’a eu d’autre choix que de se tourner vers l’enseignement en ligne pour continuer à gagner sa vie. Des choses qu’elle faisait en présence de l’élève ont dû être ajoutées à sa préparation.
Avec les cours en ligne, il y a beaucoup de choses à faire avant. Tout ce qu’on fait avec l’élève au niveau écriture, au niveau annotation dans les partitions, tout ce qu’on fait dans son cahier, tout ça se fait maintenant avant ou après le cours. La charge de travail s’en trouve facilement doublée, mais malheureusement, les cours en ligne, ce n’est pas vraiment intéressant, et je comprends les élèves qui ne sont pas vraiment intéressés par ce type d’enseignement là. Donc la charge de travail est doublée, mais le nombre d’élèves diminue facilement de 50 % chaque fois qu’on retourne en confinement, témoigne-t-elle.
Rapidement, en mars 2020, Isabelle Fortin a basculé en enseignement en ligne. François Legault a annoncé ça le vendredi 13 mars et dès le 17 j’ai commencé à offrir cette solution-là aux élèves, de cours en ligne. C’est sûr qu’on s’est aperçu rapidement, même si je m’en doutais beaucoup, qu’au niveau sonore, ce serait extrêmement désagréable. Peu importe la plateforme… quelques fois avec Zoom, en bougeant un peu les paramètres, ça peut aller, mais c’est certain que si tu as des élèves qui sont plus avancés qui font des passages rapides, on perd des notes, parce que l’ordinateur n’est pas capable de gérer ça, dit-elle.
Certains professeurs ont dû s’équiper d’outils technologiques et investir pour pouvoir continuer d’offrir des cours en ligne. C’est des choses qui sont non négligeables en investissement. Moi, je ne suis pas quelqu’un au départ qui est très technologique, donc disons que la pandémie, ça m’a permis d’avancer, mais je dis juste avancer! Disons que je me suis beaucoup battue avec moi-même. J’ai procédé beaucoup avec des essais-erreurs et ça s’est soldé souvent avec des échecs, mais bon, là c’est moins pire, mais je dis juste moins pire, dit-elle en riant.
La musicienne doit aussi motiver ses élèves à continuer et les garder accrochés en attendant que les cours en personne soient permis à nouveau, comme en 2021. Heureusement, on ne s’est pas retrouvé en cours en ligne durant une année complète. Il y a des moments où on a pu revenir, comme cet automne ça s’est fait en présentiel à 100 %. Mais c’est sûr qu’au niveau motivation… juste cette année par exemple, on était censés aller visiter plusieurs résidences d’aînés avec de petits groupes d’élèves et ça s’est annulé pas mal à la dernière minute. C’est sûr que la motivation, ça prend beaucoup de support des parents. Si les parents sont là pour aider l’enfant, et surtout lui dire “ne lâche pas”, les enfants, je trouve qu’ils sont très résilients, dit-elle.
Plusieurs choses sont difficiles à corriger lorsqu’on n’a pas l’élève devant nous. Enseigner un instrument en ligne, ce n’est pas gagnant. C’est extrêmement souffrant de ne pas pouvoir toucher à l’élève, ne corriger aucune posture physique, on ne peut pas placer un doigt. Souvent, je procède par imitation, je lui dis “je vais jouer ce passage-là, regarde mes doigts, écoute ce qui se passe”, mais quand on est en mode virtuel, c’est bien évident que la réalité n’est pas là, le vrai son n’est pas là, raconte Mme Fortin.
Quant à savoir si plusieurs de ses confrères professeurs de musique se sont eux aussi adaptés à l’enseignement en ligne, elle répond qu’ils n’ont tout simplement pas d’autre option. On n’a pas le choix. Mes collègues, la grande majorité, c’est là-dedans qu’on a fait nos études collégiales et universitaires, c’est avec ça qu’on gagne notre vie. On ne peut pas, du jour au lendemain, dire “je quitte cet emploi-là”. On a mis tellement de temps, on a mis tellement d’heures de pratique, tellement d’énergie pour en arriver au niveau où on est… et il y a une question de passion aussi. Donc oui, la majorité de mes collègues se sont tournés vers l'enseignement en ligne, confirme-t-elle.