Du courage et de l’audace pour le Québec!
TVA Nouvelles
J’ai écrit cette lettre à Paris, inspiré par son histoire gravée dans la pierre pour les générations qui viendront. J’ai écrit cette lettre de cette France d’où venait ce général Charles de Gaulle qui osa nous dire, en 1967: «vive le Québec, vive le Québec libre»!
À l’époque, cette juste insolence envers les empires américains et anglais avait reçu un accueil retentissant; elle nous avait électrisés. Dans ce Québec d’alors, bouillonnant d’espoir, de fougue et d’audace, on domptait le pouvoir de nos grandes rivières pour bâtir ces barrages qui aujourd’hui encore stimulent notre fierté nationale.
À ce moment de notre histoire, tous les espoirs semblaient permis. Ces Québécois d’alors nous ont légué l’affranchissement de l’Église, la création de l’assurance maladie, la réforme du financement électoral, la loi 101, la fondation de la Caisse de dépôt et placement, Hydro-Québec. Et tant d’autres choses encore. C’est à cette époque effervescente de promesses qu’ont été mises sur pied les institutions qui, jusqu’à ce jour, nous permettent de nous présenter la tête haute devant le monde et nous donnent une vraie confiance en nous. On le sentait dans l’air: «oui, et ça devient possible».
Cette époque, les membres de ma génération de l’ont pas connue. À 25 ans, je suis né à l’aube de l’ère des consolidations, trois ans après l’échec référendaire de 1995. J’ai vu le jour dans le Québec des conditions gagnantes et de l’assainissement des finances publiques de Lucien Bouchard. J’ai été enfant sous le parti libéral morose et attentiste de Jean Charest. Je suis entré dans l’adolescence lors de la parenthèse péquiste qui consacra le surgissement triste des questions identitaires. Puis j’ai connu les débuts de l’âge adulte accompagné par l’affairiste Philippe Couillard et le complaisant François Legault. Et aujourd’hui, même Québec solidaire effectue un «tournant pragmatique»!
Au diable les promesses immenses d’antan, j’ai vécu dans un monde plat et routinier marchant à la cadence du consensus et de la satisfaction. Si ce n’était de l’histoire qui a été, les membres de ma génération – et ça me brise le cœur de le dire – seraient en droit de regretter leur nation. Nous contemplons les 25 dernières années et la seule question qui nous vient en tête est celle-là: que s’est-il donc passé? Pourquoi avons-nous donc perdu le goût de vivre, le goût d’oser?
Mais les choses n’ont pas à être ainsi. Nous sommes un pays riche, brillant, rempli à ras bord de talents et de potentiel. Les outils, nous les avons. Et si nous ne les avons pas encore, nous avons les talents pour les créer. Notre problème n’en est pas un de ressources, mais d’ambition et de caractère. Le caractère, ça se corrige. L’ambition, ça se trouve et ça se stimule. C’est pourquoi il nous est criminel de cesser d’espérer.
Bien sûr, je sais qu’on ne crée un État social qu’une fois et qu’il faut ensuite œuvrer, coûte que coûte, à le maintenir. Je sais que le maintien, nécessaire, est moins flamboyant que la création. Bien sûr, les choses sont compliquées et les problèmes nombreux. Mais qu’importe! Nous n’avons rien achevé, il nous reste encore tant de choses à bâtir.
J’aurais envie qu’on déclare, au Québec, une nouvelle ère des grands projets et des grands rêves. J’aurais envie qu’on se dise, les unes et les autres, que nous en avons assez de nous contenter de ce qui est, et que nous demandions, sous peine d’aller dans les rues, de la volonté et de la splendeur. Fini, le «nous y sommes, soyons-y» de Réjean Ducharme. Fini, L’hiver de force. Fini, Dehors novembre.
Je voudrais un nouveau code de l’urbanisme qui donnerait des crédits d’impôt aux bâtiments beaux et durables. Je voudrais un réseau de TGV qui relierait – la demande on la créera ensuite – toutes les villes du Québec. Je voudrais que l’on construise à Montréal un nouveau réseau de métro dont le terminus ne serait pas (encore) un autre centre commercial. Je voudrais une voiture électrique québécoise, pas seulement une usine de cellules de batterie. Je voudrais qu’on retrouve le goût du legs, plutôt que de la délégation de nos compétences à des entreprises étrangères.