Des bouleversements silencieux s’opèrent dans les eaux profondes du Saint-Laurent
Radio-Canada
Devant une nouvelle baisse marquée du taux d’oxygène dans les eaux profondes du fleuve Saint-Laurent et des températures records enregistrées en 2021, les chercheurs éprouvent de l’étonnement et du désarroi.
L’oxygène dissous dans les eaux profondes du Saint-Laurent décroît depuis des décennies. Ce phénomène est connu de la communauté scientifique. Un plateau semblait toutefois avoir été atteint depuis le milieu des années 1980, puisque les taux de saturation en oxygène se maintenaient autour de 20 à 25 %.
Les plus récents relevés indiquent des taux aussi faibles que 10 % à divers endroits au large de Rimouski. Pour les océanographes de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski (UQAR-ISMER), ces chiffres sont consternants.
« C'est la première fois qu'on voit des taux aussi bas. Les faibles concentrations ne sont pas observées partout, mais dans cette zone, on est sous le seuil critique de l'hypoxie. »
Son collègue Alfonso Mucci, professeur émérite au département des sciences de la Terre et des planètes de l’Université McGill, a consacré sa vie à étudier le Saint-Laurent.
Moi, quand j'ai vu ces données, dit-il, j'ai pleuré. Ça m'a vraiment perturbé, d’autant plus que la zone qu’on considère en hypoxie sévère, en deçà de 20 % d’oxygène dissous, s’est beaucoup étendue dans l’estuaire et dans le golfe du Saint-Laurent.
En 2002, affirme-il, cette zone couvrait environ 1300 km2, entre Les Escoumins et Rimouski. Ensuite, elle s'est étendue à Pointe-des-Monts, à Sept-Îles. En octobre 2021, la zone hypoxique s'étendait le long du 49e parallèle entre Forillon et l'île d'Anticosti, donc directement dans le golfe.
Comme un malheur n’arrive jamais seul, la température des eaux du Saint-Laurent augmente. L’équipe de Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique à l’Institut Maurice-Lamontagne, a fait le bilan, en janvier 2022, des anomalies de températures dans le fleuve en 2021.
Jamais il n’avait observé de telles températures dans le Saint-Laurent, à commencer par des anomalies de températures chaudes non seulement dans le golfe à la fin de 2021 mais aussi dans les profondeurs du Saint-Laurent, où la température de l’eau est passée de 4,26 °C à 6,08 °C en 50 ans.