De l’antibiorésistance dans l’air
Radio-Canada
La résistance aux antibiotiques est un sujet de préoccupation mondiale. Certaines infections deviennent aujourd’hui plus difficiles à traiter, faute de réponse adéquate à l'administration d’un ou de plusieurs antibiotiques. Les modes de dispersion de ces superbactéries ont été étudiés dans les sols et dans l’eau, mais encore très peu dans l’air.
Caroline Duchaine est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les bioaérosols. Elle raconte que le rôle que joue l’air dans l'acquisition de bactéries multirésistantes est complètement inconnu dans la littérature actuelle.
« On ne sait pas encore comment intégrer les valeurs de l'air dans les calculs de risques individuels ou [à l’échelle] de la population. »
Avec des collègues de différentes institutions, elle chapeaute un projet de recherche sur la question. On se questionne sur le degré d’exposition auquel la population ou les travailleurs sont soumis quand ils sont à plus ou moins grande distance de sources d’émission potentielles de bactéries résistantes aux antibiotiques, que ce soit des hôpitaux, des fermes d’élevage, des usines d’épuration.
Étudier le phénomène n’est pas une mince tâche, car il faut soigneusement capter de l’air et chercher dans les bioaérosols, fines particules en suspension, celles susceptibles de présenter des gènes de résistance aux antibiotiques.
L’échantillonnage d’air se fait entre autres en milieu agricole. Stéphane Godbout, ingénieur en agroenvironnement à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA), y participe. Son installation, dans une serre, permet de mesurer la portion aérienne des micro-organismes qui seront dispersés dans l’air durant un épandage de lisier où peuvent se dissimuler des bactéries porteuses de gènes de résistance aux antibiotiques.
« On mesure l'air à l'entrée et à la sortie. On connaît le débit d'air qui passe et puis on regarde si les concentrations dans l'air changent en raison de l'épandage de différents composés. »
Des opérations d’échantillonnage se font dans d’autres milieux, comme des usines d’épuration ou des hôpitaux, mais aussi à plus large échelle. Paul George est chercheur postdoctoral à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec. Il a procédé à l’analyse de filtres d’autos qui ont circulé dans 51 villes au pays; dans ces filtres, des particules présentes dans l’air ambiant ont été emprisonnées.
Avec la collaboration de chercheurs français, des échantillonnages d’air ont même été réalisés à 1400 mètres, à la station de recherche du Puy-De-Dôme, en France. À cette élévation, les vents violents et soutenus peuvent rapidement transporter les micro-organismes sur de très grandes distances.