Dany Laferrière à la rencontre de ses lecteurs
Radio-Canada
Prisonnier d’un tumulte de non pas une, mais bien trois sorties de livre en France, Dany Laferrière a tout de même pris le temps de répondre à notre questionnaire, juste avant son retour au pays. Le samedi 9 avril, l’écrivain, membre de l’Académie française, s’entretiendra avec Danielle Laurin à propos de son nouveau roman illustré Sur la route avec Bashō, à l'occasion du Salon international du livre de Québec.
Voici les réponses rédigées de sa main. Ou plutôt de ses mains.
Cela fait un moment que je fréquente avec grand intérêt les Salons du livre. J’aime rencontrer les lecteurs, car je me considère d’abord un lecteur. Je préfère d’ailleurs qu’un lecteur me parle de ses lectures plutôt que de me parler de mes livres. Je me sens plus à l’aise dans la conversation. Sinon on parle d’un livre [le mien] que le lecteur n’a pas encore lu.
De plus, j'apprécie aussi les conversations dans les cafés des environs ou dans le hall de l’hôtel que j’entretiens avec mes confrères écrivains, à la fermeture du Salon. De temps en temps on a envie de parler de nos problèmes d’écriture à des gens qui connaissent la situation.
Et enfin j’aime revenir sur les lieux du crime pour circuler dans un environnement connu, revoir les mêmes de l’équipe d’organisation.
Je pense avec plus de 30 livres autour de moi. Je lis beaucoup de livres pour différents prix littéraires, dont ceux de l’Académie. L’intérêt des prix de l’Académie, c’est qu'ils sont assez nombreux – plus de 60 – pour te permettre de fouiller dans tous les sens dans la corbeille des fruits de la saison.
Je lis un livre d’histoire passionnant de Christian Baechler La trahison des élites allemandes [650 pages] qui tente de comprendre pourquoi ce peuple obsédé par la démocratie, la liberté, les arts a pu produire de tels monstres. Pas seulement quelques stars du crime, mais une élite qui a basculé dans l’horreur.
J’ai lu aussi un beau livre sur un de mes écrivains préférés, même si j’en parle rarement [Valery Larbaud, cosmopolite des lettres? ], 800 pages d’écritures serrées pour faire un portrait en pied de ce riche amateur des lettres. Par ses nombreuses traductions, Larbaud a déniaisé le lecteur français.
Son goût des choses sophistiquées, son indifférence à la rumeur du monde, le fait que l’argent l’ait si bien protégé des salissures du monde, tout cela l’a rendu aussi indifférent à la guerre.