Daniel et la bienveillance, personnalités de l’année en Estrie
Radio-Canada
Durant ses années d’itinérance, Daniel n’a pas réalisé des exploits qui valent normalement de figurer au palmarès des personnalités de l’année. Il a toutefois laissé une marque indélébile chez ceux qui l’ont croisé. Il était un homme respecté par les gens de la rue, mais aussi par les intervenants des organismes communautaires. Par son histoire, loin d'être unique, qui englobe aussi le beau dans un monde pas facile ainsi que tout le travail essentiel des intervenants de première ligne, Daniel - et la bienveillance - sont nos personnalités de l’année en Estrie.
Rencontré l’hiver dernier dans le cadre d’un reportage sur le Partage Saint-François, il entretenait l’espoir de s’en sortir un jour et de retrouver une vie normale, comme celle qu’il avait connue jadis. Mais le destin en a décidé autrement. Daniel est mort le 29 juillet dernier, à l’âge de 54 ans, à la suite de problèmes pulmonaires. Heureusement, grâce au dévouement et à l’humanité des intervenants, il n’est pas mort seul.
Des employés du Partage Saint-François, comme Alexandra Rivard-Beaudoin, sont allés le saluer une dernière fois alors qu’il était intubé aux soins intensifs. C’était un grand homme avec tellement de belles forces et un grand cœur. Il aidait tout le monde dans la rue, souligne-t-elle. Des intervenants de l'équipe itinérance du Centre local de services communautairesCLSC et quelques amis se sont aussi relayés pour lui tenir la main jusqu'à la fin.
Daniel était estimé des intervenants au Partage Saint-François, et son humour a marqué les esprits.
Il nous faisait toujours rire malgré la souffrance et la colère qu’il vivait, souligne Alexandra. C’était quelqu’un de vraiment drôle, confirme Fanny Croteau, intervenante responsable de l'Accueil Poirier. Il y avait toujours beaucoup d’humour entre nous deux. On avait vraiment du bon fun ensemble, ajoute également avec un grand sourire Fabienne Groulx, employée à la Coalition sherbrookoise pour le travail de rue.
Cet humour qui le distinguait était parfois un instrument efficace pour se réconcilier après ses sautes d’humeur légendaires envers les personnes en autorité au Partage Saint-François. Daniel a brisé je ne sais pas combien de fenêtres, se souvient Fanny. Il doit en avoir cassé quatre, cinq chez nous. On les a fait refaire depuis. Elles sont maintenant incassables, précise-t-elle en riant.
« Sa capacité après ça de venir nous voir, d’être capable d’en rire et d’expliquer pourquoi il s’est senti comme ça et pourquoi il a fait ça et de s’excuser par la suite, c’était impressionnant. »
Contrairement aux intervenants du Partage, Fabienne dit n’avoir eu aucune confrontation avec Daniel. Il faut dire que la posture de la travailleuse de rue envers la personne en situation d’itinérance est différente. Elle n’a pas de règles à faire respecter, et n’est pas perçue comme une menace. L’intervenante appréciait particulièrement l’ouverture que Daniel lui témoignait. J’avais accès à lui. Ce n’est pas tout le monde qui a l'espace mental et la disponibilité pour donner accès à soi. Avec Daniel, chaque interaction était super riche, mentionne celle qui aimait s’arrêter pour lui jaser, lui qui logeait souvent sous le pont Joffre.
Il était très lucide par rapport à ce qui se passait, ajoute Fanny. Je pense que Daniel était très différent à ce niveau-là. C’est sur que le fait qu’il ait eu une belle vie [avant l’itinérance] la petite famille, le bon travail, la maison, tout ça. Il s’est vraiment satisfait de ce qu’il a eu. Je trouvais ça beau qu’il se rappelait toujours les côtés positifs de ce qu’il a vécu pour se rendre jusqu’à la fin.