Cupidon en burn-out
Radio-Canada
Ce devait être un texte léger pour la Saint-Valentin, mais la légèreté se fait rare depuis mars 2020.
Souvent pour écrire, je cherche la musique qui donnera le rythme au texte. Après avoir fait des dizaines d’entrevues avec des gens qui espèrent les flèches de Cupidon, c’est Jacques Brel qui s’est imposé. Sa façon de scander le mot amour, d’un ton déchirant, est comme une injonction. Pas léger du tout.
Quand on n'a que l'amour, pour unique raison, pour unique chanson, et unique secours.
Mais Cupidon, seul depuis trop longtemps sur la ligne de front, est au bord de l’épuisement. C’est qu’on lui en demande trop : fournir une bouée sentimentale comme remède à tout ce qui va mal et nous échappe complètement.
J’essaie de ne plus écouter les nouvelles. La menace d’une guerre en Ukraine, la pollution, les fusillades, la pandémie, les camionneurs, tout cela m’angoisse terriblement, me raconte Simon, célibataire, 52 ans, alors que je lui parle pourtant d’amour.
Le lien, c’est que je ne peux plus supporter cela seul. J'idéalise un grand amour. Une fille qui me ferait rire. Mais Simon se languit et soupire : Je voudrais flirter dans un café, croiser le regard de quelqu’un à l’épicerie, dans un bar, dans une fête chez des amis, mais tout cela nous a été retiré.
Simon m’explique qu’il ne veut plus draguer virtuellement. Que les réseaux de rencontres, il trouve ça sordide, trop dur. J’ai envie de magie, de romantisme, pas de faire une liste d’épicerie et de choisir quelqu’un parce qu’il aime le cinéma ou le plein air.
Agnès, 26 ans, a prié plus d’une fois pour l’intervention de Cupidon. Ça va bien aller, n’est-ce pas? J’en ai pris des bouteilles de vin dans des parcs avec des gars, parce que j'aimerais rencontrer l’homme de ma vie. Mais, j'étais déconcentrée. J’avais envie de pipi. Je me demandais où aller aux toilettes, me raconte Agnès en riant.
Fallait aussi décider, pendant les couvre-feux : est-ce que je le ramène à la maison? Au bout d’une heure de discussion dehors, t’es frigorifiée, faut vite prendre une décision. En plus, t’as pas envie d’inviter quelqu’un dans le salon ou tu travailles en mou toute la journée.