
Culture et citoyenneté québécoise : objectif Terre!
TVA Nouvelles
Vous pensez à Tintin ? En fait, il s’agit plutôt de Prévert. En prenant connaissance des orientations du nouveau programme Culture et citoyenneté québécoise (CCQ) en remplacement du cours d’Éthique et de culture religieuse (ECR), je n’ai pu m’empêcher de penser aux toutes premières phrases de son Pater Noster « Notre Père qui êtes aux cieux. Restez-y. Et nous nous resterons sur la terre. Qui est quelquefois si jolie ».
Contrairement au cours ECR, ce nouveau cours va s’ancrer avec bonheur non seulement dans notre histoire et notre culture mais aussi sur la terre, délaissant le ciel et la valorisation des arrières-mondes pour une approche résolument séculière, qui s’inscrit dans l’horizontalité, avec des thèmes bien actuels couvrant les multiples facettes de la vie en société et dont le fil conducteur est, comme l’a affirmé le ministre Roberge, celui d’une éducation à la citoyenneté.
La citoyenneté est ce qui définit l’individu dans son rapport à l’État, avec ses droits et ses devoirs, et qui par l’exercice de ceux-ci, le fait accéder à la communauté politique. Un citoyen est plus qu’un simple individu. C’est celui qui, conscient de son histoire, de sa culture, des valeurs partagées et du rôle des institutions publiques, a acquis non seulement une maturité politique mais aussi le sentiment d’appartenance à une grande communauté, celle de la nation.
La citoyenneté nous place au cœur de la tradition républicaine, où l’État garantit à tous et à chacun, l’égalité en droit et en dignité, indépendamment de ce qui le distingue, que ce soit le sexe, la race, l’orientation sexuelle ou encore la religion, etc. Organiser la vie sociale et politique selon l’exigence de l’universalisme, en misant sur ce que nous avons en commun, la citoyenneté.
Bâtir ce nouveau programme autour de la citoyenneté implique donc de rompre avec la vision libérale du cours d’ECR dans laquelle il n’y a que des individus qui se définissent en fonction de leurs particularismes religieux, mettant ainsi l’accent sur ce qui les différencie, ce qui a pour effet de miner la cohésion sociale.
Il existe une liberté encore plus fondamentale que la liberté religieuse et dont le cours d’ECR ne dit mot, c’est la liberté de conscience. Elle se définit comme le droit de croire ou de ne pas croire, incluant celui de changer de religion ou de l’abandonner. Cette liberté est, par principe, antérieure à la liberté religieuse puisqu’elle reconnaît le droit de ne pas croire, posant ainsi la possibilité d’un monde sans Dieu, celui de l’athéisme, un monde où l’homme se réapproprie sa vie et assume ses choix. Un monde où sa liberté et sa responsabilité sont totales et dans lequel l’éthique est enfin débarrassée de la théologie.
Cette liberté de conscience n’est pas banale puisqu’elle est également au cœur de la posture laïque, car si l’on sépare la religion de la politique, c’est justement pour préserver la liberté de conscience de chaque citoyen. Ainsi la laïcité pourra être expliquée dans les écoles et ce sera une première au Québec, où l’éducation à la laïcité manque cruellement.
Alors que tout dans le programme, supposément sans biais, du cours d’ECR pointait dans la même direction, celle d’un monde avec Dieu, on a volontairement ignoré la liberté de conscience, l’athéisme et la laïcité pour se consacrer à la seule promotion du fait religieux et normaliser l’existence d’un autre monde. Avouez que comme neutralité, il est difficile de faire pire ... Fort heureusement, le nouveau programme CCQ propose de corriger ces lacunes inacceptables.
Contrairement au cours ECR, le nouveau cours CCQ n’accorde pas à la religion de statut privilégié mais propose plutôt de l’aborder comme un fait sociologique et de la traiter au même titre que la culture ou la science. Qui sait, peut-être que les élèves en discutant de dilemmes moraux pour développer leur esprit critique découvriront que les religions prescrivent des positions éthiques sexistes et homophobes, anti-contraception, anti-avortement et opposées à « mourir dans la dignité » ? Parce que dans une perspective profane, où la religion ne tombe pas du ciel et qu’elle n’est pas coulée dans le béton de la révélation, rien ne justifie d’accorder à celle-ci un statut épistémique particulier qui l’exempterait de tout examen critique.