Critiquer en 2021, selon la journaliste et auteure Nathalie Petrowski
Radio-Canada
Dans un monde où les points de vue sont souvent très polarisés, y a-t-il encore de la place pour la critique? Sommes-nous devenus plus frileux collectivement?
Je pense que l’épiderme sensible, on l’a eue de tout temps, nuance Nathalie Petrowski, qui a été l'une des chroniqueuses avec la plume la plus acérée. Mais celle qui a longtemps donné son opinion sur l’écosystème culturel à travers la presse écrite jette un regard particulièrement critique sur la pensée des millénariaux, ceux nés entre 1984 et 2002.
Je ne suis pas d’accord avec beaucoup des idées avancées par cette génération-là, le wokisme et compagnie [...] Moi, je veux débattre avec eux, mais souvent, ils ne veulent pas.
Critique et aussi journaliste, Nathalie Petrowski a travaillé durant une quarantaine d’années dans les salles de rédaction des principaux journaux du Québec. Elle est reconnue pour ses analyses culturelles aiguisées et parfois mordantes. Et l’épiderme sensible existait déjà, à cette époque. La chroniqueuse a entre autres sévi, au début des années 90, à la Bande des 6. L’émission diffusée à Radio-Canada faisait trembler toute l’industrie culturelle et elle a été retirée au bout de quelques années.
C’est le milieu qui n’en pouvait plus, qui a fait beaucoup de pression [pour qu’elle cesse], se rappelle la journaliste. Personne n’aime se faire critiquer, moi la première. Me faire dire que ce que t’as écrit, ce que t’as dit, ce n’est pas bon, je n’aime pas ça [mais] je le prends. Je suis mal placée pour ne pas le prendre.
Elle rappelle toutefois que pour des raisons économiques, la presse écrite fait maintenant moins de place à la chronique spécialisée, et plusieurs médias se montrent plus frileux lorsque vient le temps d’écorcher la vedette de l’heure. Comme dans bien des secteurs d’activité, les relations publiques ont investi l’industrie culturelle et la diminution du nombre de journalistes ne réussit pas à faire le contrepoids, souligne-t-elle. La nature ayant horreur du vide, les opinions se déversent, mais dans de nouveaux canaux.
Sur les réseaux sociaux, ça y va aux toasts, comme on dit. Tout le monde est devenu un critique. La parole critique élevée sur un piédestal est très chambranlante.