Courville, de Robert Lepage, un « regard mature » sur l’adolescence
Radio-Canada
Avec sa nouvelle pièce, Courville, présentée depuis le 19 septembre au Diamant de Québec, Robert Lepage signe une œuvre à la fois ambitieuse et intimiste librement inspirée de sa propre adolescence. Le dramaturge québécois profite d’ailleurs de l’occasion pour poursuivre son expérimentation formelle de l’art théâtral en mettant en scène une distribution exclusivement composée de marionnettes.
Ce choix esthétique pour le moins audacieux s’explique en partie par la nature du sujet abordé. Robert Lepage, qui affirme ne pas avoir vécu une très belle adolescence, voulait aborder cette phase peu commode de la vie avec un regard plus mature. C’est des moments troubles, on est quelque part entre l’enfance et le monde adulte, a déclaré samedi l’artiste de 63 ans lors d’un entretien avec René Homier-Roy.
C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de faire ça avec des marionnettes. Parce que souvent, quand on veut traiter de l’adolescence au théâtre, on veut être le plus fidèle possible, le plus juste possible; on va travailler avec de jeunes adolescents qui vont prendre ces rôles. Sauf que ça nous empêche de faire beaucoup de choses. Le vrai corps d’une jeune adolescente ou d’un jeune adolescent, on ne peut pas lui faire faire n’importe quoi, on ne peut pas le dénuder.
Lepage a réalisé que sa démarche serait plus intègre s’il projetait les sentiments et les gestes relatifs aux souvenirs de son adolescence dans des corps inanimés. Quand c’est un objet qui sublime ce qu’on a à dire, on se sent moins comme un imposteur. Avoir voulu faire ce spectacle avec de vrais adolescents, on aurait présumé ce qu’ils ressentent.
Courville – dont le titre fait référence à l’ancienne municipalité du Québec aujourd’hui intégrée dans l'arrondissement de Beauport – raconte les tribulations d’un ado de 17 ans dans une ville de banlieue québécoise de 1975. La pièce fait écho à diverses préoccupations sociopolitiques ou marqueurs culturels de l’époque, comme la guerre froide, le rock progressif, la rivalité entre les équipes de hockey canadienne et soviétique, les tensions linguistiques annonçant le référendum de 1980 ou l’éclatement de la famille nucléaire.
Grand amoureux de la culture nipponne, Robert Lepage s’est inspiré, pour Courville, d’une tradition théâtrale japonaise datant du 17e siècle, le bunraku. La pièce compte 16 marionnettes, presque grandeur nature, qui sont manipulées par des dizaines de techniciens et techniciennes.
Ce que ça permet de faire pour ce qui est de l’expression, c’est qu’on est obligés de styliser, ce qui fait que ce n'est jamais banal, affirme le metteur en scène au micro de Culture club.