Coupes forestières : « Ça suffit », disent les Atikamekw
Radio-Canada
À 88 ans, elle est là, assise avec un café dans les mains devant le feu où un castor grille. La discrète Délima Dubé-Flamand est venue soutenir sa famille, qui tient un barrage depuis près d’un mois pour empêcher les coupes forestières sur son territoire traditionnel atikamekw de Manawan, dans Lanaudière au Québec.
Ses rides racontent beaucoup d'histoires, de luttes silencieuses, dont celles contre les coupes forestières. Quand mon mari était vivant, il regardait les gens couper le territoire, mais personne ne l'écoutait. Aujourd’hui, on ne peut avoir que pitié de ça. C’est désolant, lance-t-elle dans un débit lent en atikamekw.
Quand on lui demande ce qu’elle souhaite pour l'avenir, elle répond qu’elle n’est pas positive, car on ne m’entendra pas, on ne m’écoutera pas.
Alors la question est posée à nouveau. Je suis vraiment désolée de ne pouvoir rien faire. Mon mari a tellement essayé d’arrêter les coupes et il n’a pas été écouté, alors qu’est-ce que je peux faire de plus? poursuit Délima Dubé-Flamand.
Son moyen à elle de lutter, c’est de s'asseoir, souvent en silence, dans ce campement tenu par des membres de sa famille et de la communauté de Manawan.
Difficile de manquer le barrage du kilomètre 60, entre Saint-Michel-des-Saints et Manawan. Ni son objectif. Un grand panneau a été installé avec l’inscription Nitaskinan, territoire ancestral atikamekw.
D’autres banderoles demandent l’arrêt des opérations, des ravages. Puis des camionnettes et des barrières bloquent le chemin de traverse. Un campement a été installé pour maintenir la garde. La veille, une forestière a encore essayé de passer.
En effet, depuis près d’un an, les chefs de territoire, ceux qui surveillent et autorisent l’accès aux ressources sur leur territoire ancestral familial, réclament un moratoire sur les coupes forestières à Manawan. Ils dénoncent des consultations bidon, un appétit vorace des forestières, le non-respect des ententes et des compensations ridicules.
Si l’obligation de consulter les communautés autochtones est bien inscrite dans la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier, les droits autochtones en matière de foresterie, eux, ne sont pas définis. Et les consultations menant aux ententes d'harmonisation sont contestées par les Autochtones.