
Comment faire la «refondation» de notre système de santé?
TVA Nouvelles
En tant qu'infirmier de salle d'urgence fatigué, j'aurais dû me sentir optimiste après avoir entendu le premier ministre François Legault dire: «Notre réseau de santé a besoin d'une refondation», lors d'une récente conférence de presse. En raison du fait que M. Legault et ses camarades Christian Dubé et Luc Boileau n'ont pas de «inf» après leurs noms, je suis devenu encore plus fatigué.
Nous, les infirmières et infirmiers, savons comment remanier le système parce que nous travaillons dans son désespoir incessant d'inefficacité, de gaspillage et de technologie vieille de 40 ans. Alors, voici un cours accéléré pour les membres de la CAQ qui pourraient la faire réélire, s'ils choisissent d'écouter.
Le plus gros problème du réseau de la santé au Québec est un manque criant de soins primaires pour la population en général. Les soins primaires sont donnés dans les cliniques et font la promotion de la santé par l'intermédiaire de bilans de routine (y compris la prise de signes vitaux, les tests sanguins, etc.) et par la résolution de petits problèmes avant qu'ils ne deviennent catastrophiques. Les examens de routine de la prostate, les coloscopies, la surveillance de maladies chroniques, comme le diabète et l'hypertension, et la promotion des vaccins et de l'exercice aideraient grandement le public s'il pouvait avoir accès à des professionnels de la santé qualifiés pour effectuer ces tâches - dont beaucoup peuvent être effectuées par des infirmières.
Mais essayez de décrocher un téléphone et d'obtenir un rendez-vous dans une clinique de soins primaires en temps opportun. Vous aurez plus de succès en appelant Vladimir Poutine!
Lorsque le public ne peut pas obtenir de soins primaires, il utilise les salles d'urgence pour les obtenir. Malheureusement, lorsque l'hypertension d'une personne de 60 ans n'est pas surveillée pendant une décennie, ces soins primaires deviennent la RCR dans une salle de réanimation des urgences et un voyage dans un laboratoire de cathétérisme cardiaque, si cette personne de 60 ans survit. Le gouvernement de la CAQ doit accroître de façon exponentielle l'accès du public aux soins primaires pour qu'il les obtienne dans les 24 heures et non dans les 6 mois à un an habituels, ou pas du tout.
Grâce à la COVID-19, le public réalise maintenant l'importance d'avoir suffisamment de lits de soins intensifs disponibles dans les hôpitaux. Ce que le public et le gouvernement de la CAQ ne réalisent peut-être pas, c'est que les lits de soins intensifs sont toujours rares parce qu'ils sont bloqués pendant des mois, parfois même des années, avec des patients sous ventilateurs (appareils respiratoires) qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent tout simplement pas les quitter.
Les patients ventilés ne peuvent pas être hospitalisés ni rentrer chez eux, car ils nécessitent trop de soins et il existe actuellement très peu d'établissements capables de prendre en charge les patients ventilés à Montréal. Cela se traduit par des soins intensifs et des inhalothérapeutes qui font le travail alors que ces patients languissent dans les hôpitaux, occupant de précieux lits de soins intensifs nécessaires à des patients qui auraient subi une opération chirurgicale à cœur ouvert ou lors de pandémies graves, par exemple.
Le gouvernement de la CAQ serait avisé de décompresser les unités de soins intensifs de ces patients sous ventilation chronique (qui se comptent par centaines à Montréal seulement) en les plaçant dans d'anciens sites hospitaliers, comme l'Hôpital Royal Victoria. Il faudrait de nombreux inhalothérapeutes et quelques médecins pour le faire, mais les avantages seraient astronomiques. Le réseau de la santé peut difficilement se permettre de continuer à avoir des centaines de lits de soins intensifs bloqués, année après année, par des patients qui pourraient être ailleurs.
Ce que Gaétan Barrette, ancien ministre de la Santé, a mis en lumière il y a quelques années existe toujours aujourd'hui: les médecins ordonnent beaucoup trop de tests inutiles aux patients. Un fardeau énorme sur le réseau de la santé existe lorsqu'un médecin décide de partir à la pêche aux patients en les soumettant à des tomodensitogrammes et à des analyses de sang injustifiés, sans aucune entrave. Sans oublier que ce n'est pas thérapeutique pour les patients et que cela les soumet à des douleurs inutiles (à cause des piqûres) et aux radiations des tomodensitogrammes. Les médecins peuvent prescrire n'importe quel test à un patient, même s'ils ne font absolument rien avec les résultats.