
Chasser la France, choisir la Russie : pour le meilleur et pour le pire au Mali
Radio-Canada
« À bas la France! La France, dégage! La France, terroriste! » Ce sont des slogans antifrançais fréquemment entendus lors de manifestations dans les rues de plusieurs pays africains, dont le Mali. La colère gronde contre l'ancien colonisateur qui, après neuf ans de présence militaire, n'a pas réussi à chasser les djihadistes, qui sèment la terreur dans le pays.
Pendant ce temps, d'autres drapeaux ont fait leur apparition dans ces rassemblements. Ils sont blanc, bleu et rouge eux aussi, mais ce sont ceux de la Fédération de Russie, fièrement brandis par les manifestants. Parmi eux, on peut aussi voir des pancartes sur lesquelles il est écrit : Merci Wagner!, une allusion au groupe de mercenaires russes de la société privée Wagner.
Ce groupe est de plus en plus présent en Afrique et travaillerait main dans la main avec le Kremlin pour mener des opérations antiterroristes, bien qu'officiellement Moscou nie tout lien avec ces militaires maintes fois accusés d’avoir massacré des civils.
Les relations entre la France et le Mali se sont détériorées depuis le coup d’État militaire d'août 2020 et le renversement du gouvernement de transition quelques mois plus tard. Paris reproche aux militaires de vouloir s’accrocher au pouvoir et de faire appel aux services du groupe Wagner pour y parvenir. Ce sont d’ailleurs les arguments qu'a utilisés le président français Emmanuel Macron pour justifier le retrait des troupes françaises du Sahel. Les autorités maliennes se défendent d'instaurer une dictature et réfutent la présence de Wagner sur leur territoire. Elles affirment vouloir décider, enfin, de l'avenir de leur pays.
L’ancien président du Haut Conseil des Maliens du Canada, Lassine Traoré, qui habite à Montréal, s'est établi au Québec il y a 16 ans. Depuis, il n'a jamais cessé de suivre l'évolution politique de son pays d’origine. Selon lui, c’est la jeunesse malienne qui est derrière les bouleversements que connaît le pays en ce moment. Avec Internet, les jeunes naviguent beaucoup. Ils voient d’autres pays. Ils veulent que le Mali soit un pays développé, un pays comme ses voisins. C’est une jalousie constructive. Ils veulent un changement! dit-il.
C’est cette même jeunesse, ajoute-t-il, qui souhaite la présence de la Russie, qui n'est pas nouvelle au Mali. Au contraire, précise Lassine Traoré : lors de son indépendance, le pays s'était aligné sur le bloc de l’Est jusqu’à la chute de l’URSS, en 1991.
« Les Russes nous ont aidés pendant nos tout débuts. Donc, les gens sont descendus dans les rues réclamer les Russes pour venir à notre secours parce que la France, qui avait été acclamée, ne fait plus l’affaire et joue à des jeux troubles. L’armée a juste voulu répondre aux besoins de la population. »
Comme son prédécesseur, l’actuel président de cette organisation, Youssouf Tounkara, n’est pas tendre envers la France qui, selon lui, a échoué dans sa mission d’éliminer la menace djihadiste. Presque une dizaine d'années plus tard, le conflit, au lieu d’être isolé au nord, s’est répandu au centre du pays, avec quelques cas isolés au sud. Par la suite, la population a découvert beaucoup d'histoires choquantes. Lorsqu’on apprend qu’un camp militaire de l’armée malienne se fait attaquer tout près de l’armée française, que celle-ci n’intervient pas et qu'en plus elle interdit à l’armée malienne d’intervenir, on comprend que la population soit agacée et qu’elle demande à ses autorités de chercher de nouveaux partenaires pour l'aider dans cette lutte, déplore-t-il.
Il s’étonne par ailleurs que la présence russe suscite autant de questionnement : Moi, ça me fait rire, parce que je trouve que l’Occident se focalise beaucoup sur la Russie, mais comme nos autorités le disent, nous avons beaucoup d’autres partenaires. La France est un partenaire du Mali, même si nos relations sont tendues. L’Union européenne, la Turquie, la Chine et la Russie : nous avons beaucoup de partenaires.