
Catherine Fournier : de la honte à la fierté
Radio-Canada
Catherine Fournier a longtemps défendu les victimes d'agression sexuelle, mais refusait catégoriquement d'admettre qu'elle en était une. Près de cinq mois après la fin du procès de son agresseur Harold LeBel, où l'identité de la victime était confidentielle, la jeune politicienne sort de l'ombre.
Je ne voulais pas l’accepter parce que ça me faisait sentir faible. Je sais que ça n’a pas lieu d’être, aujourd’hui, j’ai beaucoup cheminé là-dessus. Mais à l’époque, avec mon bagage de vie, je ne trouvais pas que ça cadrait dans la représentation que je voulais me faire de moi-même.
Elle avait honte. De ne pas s'être sauvée en courant dès le premier geste non désiré. De ne pas avoir coupé les ponts avec LeBel par la suite. De ne pas s'être affirmée.
Après avoir été la plus jeune députée de l'Assemblée nationale en 2016, elle est devenue mairesse de Longueuil en 2021. Je ne voulais pas que cette histoire-là vienne changer la lumière par rapport à ce que je fais dans mon parcours professionnel. Qu’on me donne cette étiquette-là. Ça continue de faire partie de mes préoccupations. J’ose croire que non.
Cette histoire-là, c'est la nuit d'horreur qu'elle a vécue en octobre 2017, à 25 ans. La députée du Parti québécois (PQ) était en tournée politique à Rimouski avec son collègue de la région, Harold LeBel. De retour chez lui, pendant des heures interminables, son mentor a tenté de l'embrasser, a dégrafé son soutien-gorge et lui a fait des attouchements sexuels.
Le choc est immense. Mais après quelques jours, la jeune femme décide de ne pas porter plainte. Pas parce que j’avais peur de ne pas être crue. Je suis certaine que dans le contexte social de l’époque, ma dénonciation aurait été prise très au sérieux [...] Par contre, ma crainte était que ça ait des répercussions sur moi...
L'élue craint de se faire montrer du doigt derrière les portes closes.
Dans les coulisses, dans les corridors, de sentir que la petite nouvelle était venue causer du trouble parmi les rangs. J’étais là seulement depuis quelques mois, il [Harold LeBel] était là depuis plusieurs années dans le parti. Il était apprécié, il était l’ami de tout le monde, en fait.
Alors, Catherine Fournier feint une amitié pour Harold LeBel et s'enfonce dans le déni. Dans l'année et demie suivant son agression, elle le côtoie régulièrement. Son malaise s'amplifie après les élections de 2018, alors que le caucus est réduit à 10 élus. Les contacts étaient encore plus fréquents.