Budget des Forces armées : même 2 % du PIB « ne sera pas assez »
Radio-Canada
C’est le nouveau chiffre à la mode à Ottawa, depuis le début de la guerre en Ukraine. Dès que la ministre de la Défense nationale passe devant des reporters, on lui demande, presque à tout cou : « Et puis, le 2 %, allez-vous l’atteindre? ». En termes plus clairs : est-ce que le Canada va augmenter son budget militaire à hauteur de 2 % de son PIB, soit l’objectif fixé par l’OTAN?
Anita Anand n’a pas fermé la porte à cette possibilité. Nous allons augmenter nos dépenses en défense, a-t-elle répété il y a quelques jours, avant de filer à une rencontre du Conseil des ministres. Elle n’a pas fourni, par contre, de pourcentage. Les détails seront connus jeudi, lors du dépôt du budget fédéral.
À l’heure actuelle, le gouvernement canadien octroie l’équivalent d’environ 1,4 % de son PIB à ses dépenses militaires. Passer à 2 % représenterait environ 16 milliards de dollars de plus par année, selon plusieurs experts. À titre indicateur, c’est deux fois plus que ce que devrait coûter annuellement le programme fédéral de garderies, une fois créé.
Cette somme peut sembler astronomique, mais plusieurs anciens membres des Forces armées canadiennes estiment qu’elle serait insuffisante pour combler tous les retards d’achats d’équipement qui se sont accumulés au cours des deux dernières décennies.
« Même si on arrivait à 2 % cette année [...] ça ne sera pas assez. On n’en aura pas encore [suffisamment] pour combler tout le manque en équipement. »
Le professeur Stéphane Roussel, spécialiste en politique de défense à l’École nationale d’administration publique (École nationale d’administration publiqueENAP), lance le même type d’avertissement : L’idée que le 2 % devienne un seuil magique et qu’on va résoudre tous les problèmes est, à mon avis, vraiment erronée.
Pourquoi? D’abord, parce que la liste d'épicerie qui s’est accumulée sous les gouvernements successifs de Justin Trudeau et de Stephen Harper – ce dernier avait, à un moment donné, réduit le budget de la défense sous la barre du 1 % – est longue. Très longue. En plus des vieux avions de chasse CF-18 à remplacer, il y a aussi tout le système de radars à moderniser dans notre Grand Nord, qui n’est séparé de la Russie que par un océan.
En ce moment, explique le professeur et codirecteur du Réseau d’analyse stratégique Justin Massie, si Vladimir Poutine décidait d’attaquer à coups de missiles le Canada, ce n’est pas certain qu’on aurait la capacité de les détecter à temps pour pouvoir d’abord les intercepter, voire riposter avant qu’ils ne frappent le territoire canadien.
Pour augmenter la surveillance dans les eaux de l’Arctique, qui vont devenir de plus en plus stratégiques avec la fonte des glaciers, il manque aussi de drones, de satellites à basse orbite et, potentiellement, de sous-marins à propulsion nucléaire. Le Canada ne dispose pas non plus d’avions pour ravitailler en essence ses futurs appareils de chasse.