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Bock-Côté, plus catholique que le pape?
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LETTRE OUVERTE – Après avoir passé une seule semaine au Canada, le Pape François a confessé que sa visite avait été une véritable «gifle», l’amenant à réaliser que les autochtones y avaient subi un génocide. Pour Bock-Côté, qui est né ici, la gifle ne semble pas être encore arrivée. En réponse aux Mères mohawks, qui demandent le retrait de la croix du Mont-Royal, symbole des horreurs vécues par les Autochtones au même titre que la croix gammée pour les Juifs, Bock-Côté regrette le fait même que cette demande puisse être «prise au sérieux» par la Ville de Montréal.
Pourtant, l’autorité suprême de l’Église catholique a reconnu explicitement le caractère génocidaire de son programme d’assimilation des Autochtones, et par extension, le fait que son symbole, la croix, puisse être associé au génocide. La question, alors, brûle les lèvres: Bock-Côté serait-il plus catholique que le pape?
«Notre époque a perdu le sens des mots». C’est ainsi que Bock-Côté tranche la question du retrait des symboles coloniaux. Nous revenons ici sur quelques mots que l’auteur de La Révolution racialiste a, pour l’occasion, grandement déformés.
D’abord, la notion de «génocide». La Convention de Genève la définit comme «l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux». Elle définit par ailleurs des critères qui s’appliquent sans ambiguïté à ce qui s’est passé ici: «Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe» (pensionnats); «Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe» (stérilisations forcées); «Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle» (système des réserves), etc. À ce jour, ce sont plus de 2300 corps d’enfants qui ont été détectés dans des fosses communes au Canada, alors que les trois quarts des pensionnats restent encore à fouiller.
Prenons un moment pour faire une expérience de pensée empathique et mettons-nous à la place des autres. Imaginons que nous, les Québécois, soyons obligés – sous peine d’aller en prison – d’envoyer nos enfants étudier à l’année longue dans un pensionnat où on leur impose une langue et une religion étrangères. Imaginons avec quelles séquelles en ressortirait la culture québécoise rien qu’après dix années d’acculturation forcée. Les Autochtones l’ont vécu, eux, pendant 150 ans.
Les Blancs, Québécois ou autres, seraient-ils prêts à faire cette expérience pour accéder au statut de victimes dont Bock-Côté les affuble? En dénonçant la «diabolisation de l’homme blanc» dont nous serions témoins aujourd’hui, Bock-Côté renverse la réalité. Ce sont les spiritualités et les modes de vie autochtones qui ont de tout temps été associés à «Satan» par l’Église, pas celles de l’homme blanc. C’est le «Notre père» qui a été forcé à la récitation par les clercs en pensionnat, pas «la prière publique des territoires non cédés». Les chambres à gaz n’ont pas été nécessaires ici pour trouver une «solution finale» au «problème Indien». L’endoctrinement religieux, l’ethnocide culturel et les abus sexuels et physiques ont suffi.
N’oublions pas que beaucoup de Blancs ont aussi été victimes de tortionnaires catholiques pendant la Grande Noirceur. À la conférence de presse des Mères mohawks étaient aussi présents des Orphelins de Duplessis, venus demander le retrait de la croix, symbole dont l’autorité était instrumentalisée par les prêtres pour les abuser dans les orphelinats. Grâce au Décret 816, signé le 18 mars 1956, Maurice Duplessis, que Bock-Côté qualifie de «défenseur du Québec», avait changé le statut de toute une génération d’orphelins en «arriérés mentaux» pour toucher davantage de subventions fédérales. Beaucoup de ces enfants, nés hors mariage, étaient perçus comme des enfants du péché, et traités par les congrégations catholiques avec une barbarie dont aucun Québécois ne saurait être fier. En 1999, le cimetière de la «Soue à Cochon» près de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu, où les Orphelins de Duplessis avaient été entassés pendant des années sans cérémonie, a été recouvert par un entrepôt de la SAQ. La première pelletée de terre avait été donnée par nul autre que François Legault.