Bienvenue à l’ère Freeland
Radio-Canada
C’est son deuxième budget, mais le premier qui porte véritablement la signature de Chrystia Freeland. Et elle se donne trois ans pour remplir ses promesses. Elle a le loisir du temps. Un luxe qui a aussi un effet pervers.
On n’est plus dans la gestion de crise pandémique ou dans l’urgence d’une élection dans six mois. L’entente avec le Nouveau Parti démocratiqueNPD permet au gouvernement Trudeau de survivre et donne à Chrystia Freeland l’occasion d’établir une vision pour les finances et l’économie canadienne, et d'exécuter le plan de match.
Le budget 2022 marque donc le véritable début de l’ère Freeland aux Finances. Le document jette les bases des transformations que le gouvernement Trudeau souhaite apporter, postpandémie, à l’économie canadienne et à son filet social.
Première empreinte de Chrystia Freeland dans le budget : un semblant de retour à la prudence fiscale. Le document est écrit en partie au stylo orange pour honorer l’entente avec le Nouveau Parti démocratiqueNPD, mais ne tombe pas en mode hyperdépensier. Après avoir présidé au plus grand déficit canadien de l’histoire durant la pandémie, la ministre souhaite certainement que cette image ne lui colle pas à la peau.
Ensuite, il y a un petit côté Robin des Bois au budget. Mme Freeland choisit d’augmenter les impôts des Canadiens les plus riches et des banques, et perçoit un dividende ponctuel de 6 milliards de dollars auprès des institutions financières pour aider à payer les dépenses encourues durant la pandémie de COVID-19.
Ça semble conforme aux valeurs qu’elle véhiculait dans son livre Ploutocrates : la montée des nouveaux super-riches et la chute de tous les autres, publié en 2012 et dans lequel elle déplorait les inégalités et explorait des solutions pour les aplanir.
De plus, certaines mesures qui touchent le secteur de l’énergie portent clairement sa marque. On confie en coulisses que Mme Freeland militait en faveur du projet pétrolier Bay du Nord, approuvé cette semaine. Elle tenait à inclure dans son budget un crédit d’impôt pour le captage et le stockage du carbone, que les éléments plus environnementalistes du caucus libéral voient comme une subvention déguisée à l’industrie pétrolière.
Et puis, elle esquisse un début de stratégie économique et industrielle qui va de pair avec la lutte contre les changements climatiques, en mettant l’accent sur l’aide à l’achat de voitures électriques, la production de minéraux rares pour leurs batteries, l’établissement d’une nouvelle agence de l’innovation et de l’investissement afin de débloquer le potentiel de l'entrepreneuriat canadien.
Le tout exprime un balbutiement d’une politique économique à long terme.