![Avant la Biennale de Venise, Kapwani Kiwanga expose au MOCA de Toronto](https://images.radio-canada.ca/q_auto,w_635/v1/ici-info/16x9/kapwani-kiwanga-moca-toronto-2023.jpg)
Avant la Biennale de Venise, Kapwani Kiwanga expose au MOCA de Toronto
Radio-Canada
Avec son exposition « Remediation », la plasticienne canadienne Kapwani Kiwanga est accueillie sur un étage du Musée d'art contemporain de Toronto (MOCA) jusqu'au mois de juillet prochain. Une occasion de découvrir son œuvre avant son envol pour la Biennale d'art contemporain de Venise en 2024.
Kapwani Kiwanga est de ces créatrices dont une connaissance de l'œuvre et du propos rend la visite plus enrichissante. D'autant qu'elle a pour habitude de se détacher de toute forme d'exposition qui serait dogmatique ou autoritaire, je veux laisser mon art très ouvert aux idées de chacun , dit-elle, avant d'ajouter qu'elle n'a pas toujours les réponses aux questions abordées .
L'artiste, originaire de Hamilton en Ontario, est née à la fin des années 1970 avant de déménager dans la ville voisine de Brampton. Elle garde toujours des liens avec son lieu d'origine malgré qu'elle soit partie pour l'Europe il y a plus de vingt ans. Récipiendaire du Prix Sobey en 2018 et du Prix Marcel Duchamp en 2020, l'artiste n'avait pourtant jusqu'à aujourd'hui bénéficié d'aucun événement d'envergure dans sa province natale, à l'exception de son passage à la galerie Power Plant en 2017 avec l'exposition itinérante qui a donné lieu à l'ouvrage Structural Adjustments. L'institution était alors dirigée par Gaëtanne Verna, elle-même à la tête de la programmation du pavillon canadien à la Biennale de Venise : en passant par Toronto, la boucle est ainsi bouclée.
Pour elle cependant, la Ville Reine n'est pas Hamilton. Elle explique qu'elle a toujours vu Toronto comme la grande ville voisine et que finalement, elle la connaît sans la connaître . Aujourd'hui, elle perçoit la capitale de l'Ontario avec un mélange de familiarité et d'étrangeté .
À la manière de la dualité avec laquelle elle perçoit la métropole, Kapwani Kiwanga manie l'oxymore dans son œuvre : elle s'intéresse à la nature et aux sites industriels, aux endroits d'où la végétation semblait avoir été chassée et où elle reprend ses droits… À travers l'exposition Remediation , elle a voulu souligner une tension entre le monde, la société devenue toxique et une volonté d'aller vers un futur où on trouve de nouvelles façons d'être en relation avec le naturel .
À travers son travail, les formes sont si multiples qu'il est difficile de définir une esthétique. La convergence est avant tout thématique, portée par l'écologie. Elle y évoque les terrariums qui visaient à créer des environnements pour conserver des plantes dans le Londres préindustriel, mais aussi la chlordécone qui pollue les sols de la Martinique. Ainsi, lorsqu'on visite l'exposition accueillie au MOCA on peut voir quelques vivariums gonflables, des plantes qui filtrent la qualité de l'air ou encore différentes sculptures de matériaux et de lumière, sans oublier une longue vidéo. Il apparaît un respect évident de la nature. Les plantes, par exemple, ne sont pas exploitées, mais soignées dans cet environnement pour qu'elle puisse bien faire leur travail , souligne l'artiste.
La nécessité de la réflexion pour apprécier son travail s'explique en partie par le parcours personnel de Kapwani Kiwanga. Avant d'occuper les espaces d'exposition, elle était habituée des bancs dans les salles des universités. La plasticienne ayant étudié aux Beaux-Arts de Paris s'est d'abord intéressée à l'anthropologie et la religion comparée. Elle s'est aussi vue produire des documentaires, mais elle se sentait trop limitée par le format. Néanmoins, les artistes, les réalisateurs et les universitaires n'ont-ils pas en commun la mission d'expliquer le monde ? Ils empruntent seulement des chemins différents. Ainsi, elle analyse ses carrières successives comme ayant en commun la question des asymétries de pouvoir qui courent dans le monde puisque la créatrice s'échine à comprendre et à souligner les déséquilibres de pouvoir dans certaines sociétés . Mais, selon elle, la voix de l'artiste a plus de chance d'être entendue que celle des milieux académiques.
L'exposition de Toronto ouvre une large fenêtre sur l'art de Kawpani Kiwanga. Son point de vue singulier sur le monde reflètera aussi celui du Canada à Venise. Une histoire qui reste encore à écrire, puisque l'artiste ne sait pas encore ce qu'elle présentera lors de la Biennale d'art contemporain l'an prochain. On peut cependant gager que l'ébauche se trouve en ce moment dans les salles du Musée d'art Contemporain de Toronto.