
Autoritarisme, inflation, tensions accrues : les Turcs fuient leur pays
Radio-Canada
Près de 16 000 Turcs ont demandé refuge en Allemagne entre janvier et octobre de cette année, un record. Les Turcs sont troisièmes, derrière les Syriens et les Afghans, mais devant les Irakiens.
Pour l’Union européenne dans son ensemble, le nombre de demandeurs d’asile turcs est également en très forte hausse. Près de 20 000 personnes ont fait une demande au cours des sept premiers mois de l’année, ce qui est presque autant que pour toute l’année 2021.
Les données de l'agence européenne des frontières Frontex confirment cette tendance. Le nombre de détections de tentatives de franchissement des frontières par des Turcs a explosé au cours des derniers mois, avec 8600 détections entre janvier et août, un nombre bien supérieur au sommet de 2018 et 2019.
Et cela ne se limite pas à l'Europe : plus de 15 000 Turcs ont été interceptés en 2022 à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Rien qu'en octobre 2022, 1405 personnes l'ont été. Les Turcs sont également bien représentés parmi les demandeurs d'asile qui entrent au Canada de manière illégale par le chemin Roxham.
Ces chiffres ont de quoi surprendre, puisque la Turquie est un pays en pleine ascension. Première puissance économique du Moyen-Orient, avec un taux de croissance enviable, elle fait partie du G20 et aspire à prendre une place prépondérante dans sa région.
Alors pourquoi un nombre grandissant de ses citoyens cherchent-ils refuge ailleurs?
C’est un exil qui est d'abord politique et sécuritaire, estime Yonahan Benhaïm, responsable des études contemporaines à l’Institut français d'études anatoliennes (IFEA), à Istanbul. Après une trêve qui a duré quelques années, les combats ont repris entre l'État turc et la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Les affrontements ont réduit à l'état de ruines un certain nombre de villes du sud-est du pays, explique M. Benhaïm.
Du coup, vous avez un phénomène de déplacés internes très important, avec plusieurs centaines de milliers de personnes obligées de fuir leur lieu d'habitation pour se déplacer vers d'autres villes du pays, et certaines d'entre elles prennent la voie de l'exil.
Outre les Kurdes eux-mêmes, bien des personnes soupçonnées de sympathie à leur égard ont également décidé de quitter le pays après avoir fait l'objet de poursuites judiciaires qualifiées d’abusives par les organisations de défense des droits de l’homme pour avoir dénoncé des exactions commises par les forces de l’ordre turques.