Augmenter la productivité: notre grand projet du 21ème siècle
TVA Nouvelles
Les Québécois sont, à juste titre, fiers des grands projets économiques qui ont marqué leur histoire. On pense en particulier aux gigantesques travaux de développement de l’énergie hydro-électrique, au siècle dernier, travaux qui ont mis en valeur le génie et l’entrepreneuriat québécois.
Au cours de la récente tournée du Québec réalisée par le Comité sur la relance du Parti libéral du Québec, nous avons souvent entendu des Québécois rêver de nouveaux projets qui pourraient propulser l’économie du Québec au 21èmesiècle.
Cependant, le grand projet dont le Québec a besoin au cours des prochaines décennies n’est pas fait de béton et d’acier. Non, le chantier prioritaire, c’est d’augmenter la productivité de notre économie. En apparence, ce n’est pas aussi concret et grandiose que la Baie-James, le Plan Nord ou le Projet Saint-Laurent. Ça n’en est pas moins la condition essentielle pour que le Québec demeure prospère, génère pour les travailleurs des revenus croissants, et fournisse à l’État québécois les moyens de financer les services auxquels les citoyens s’attendent.
Au Québec comme ailleurs, il n’est pas facile d’aborder la faible productivité de l’économie sans que les travailleurs y voient une sorte de blâme. Pourtant, augmenter la productivité ne signifie pas que les Québécois devront travailler plus fort ou davantage d’heures.
Comme l’a récemment expliqué la première sous-gouverneure de la Banque du Canada, Carolyn Rogers, « Accroître la productivité, c’est trouver des moyens pour que les gens créent plus de valeur pendant leurs heures de travail. Ce doit être une aspiration, et non une chose à craindre. L’entreprise qui accroît sa productivité augmente ses revenus, et peut donc offrir de meilleurs salaires à son personnel sans avoir à hausser ses prix. Ultimement, une productivité plus élevée aide l’économie à générer plus de richesse pour tout le monde. » Ce qu’il faut, c’est donner aux travailleurs les moyens – équipements et formation – de produire plus sans plus d’effort, pendant leur horaire normal de travail.
Le Québec a une productivité plus faible que le reste du pays et que la plupart des pays riches. Les raisons pour cet état de fait sont bien connues. En particulier, les entreprises québécoises investissent moins que leurs compétitrices en équipement et en recherche et développement (R&D). L’enquête publiée le 28 mai par le Conseil de l’innovation du Québec est révélatrice à cet égard : de la recherche fondamentale à la commercialisation, les compagnies du Québec font moitié moins d’activités d’innovation que leurs vis-à-vis de l’Ontario et de Colombie-Britannique. Et leurs dépenses en R&D ont diminué de 25% depuis l’an 2000, alors qu’elles ont augmenté de 37% aux États-Unis et de 24% en Allemagne.
Une partie du problème vient du fait que le Québec est en bonne partie une économie de PME. Or, les petites et moyennes entreprises investissent généralement moins en recherche et en équipements que les grandes.
Le gouvernement du Québec est conscient de cette situation. En 2022, une Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation a été lancée. Investissement Québec a fait de la productivité et de l’innovation l’enjeu numéro un de son plan stratégique 2023-2027. Cependant, il est loin d’être certain que ces initiatives portent fruit. En effet, il y a déjà plusieurs années que Québec multiplie les crédits d’impôt, subventions et mesures d’accompagnement sans que la province ne parvienne à combler son retard.
Selon le Centre sur la productivité et la prospérité de HEC-Montréal, la politique industrielle québécoise, fondée sur la création d’emplois alors que nous sommes aujourd’hui en situation de pénurie de travailleurs, est tout simplement dépassée. « Pire, soutiennent les chercheurs du Centre, la politique industrielle du gouvernement du Québec nuit désormais au dynamisme du secteur des entreprises, d’abord en favorisant les entreprises établies et/ou de grande taille, mais également en favorisant la survie d’entreprises qui n’auraient potentiellement pas survécu sans le support de l’État. »