Atiqput, un recueil de photographies pour « décoloniser les archives »
Radio-Canada
Les presses des universités McGill et Queen’s lancent mercredi le recueil Atiqput : Inuit Oral History and Project Naming qui collige des photographies d’archives d’Inuit des quatre coins du Nord canadien. Son objectif? Identifier les visages inuit au cœur des photographies, et réécrire leurs descriptions de manière plus culturellement adaptée.
Une large fissure s’est formée dans la banquise près de Taloyoak, au Nunavut, barrant visiblement la route d’un homme et de ses qimmiit, ses chiens de traîneaux, dans la toundra. Résolu à poursuivre son chemin, le chasseur s’active à faire passer ses compagnons de l’autre côté de la crevasse. L’opération est risquée. Un seul faux pas, et l’homme risque de perdre un membre de son convoi.
D’une main, il saisit la corde qui relie le harnais de l’un de ses qimmiit à son qamutik, son traîneau de bois, et se donne un vif élan. Le chien s’élance et déploie ses pattes vers l’autre côté de la fissure, suspendu au-dessus de l’eau le temps d’une fraction de seconde.
À cet instant précis, le photographe Richard Harrington appuie sur l’obturateur de son appareil photo et cristallise cette scène, en monochrome.
L’homme sur le cliché se nomme Phillip Napacherkadiak. À l’époque, la description retenue dans les archives nationales ne donnait pas son identité. Or, en 2002, un projet orchestré conjointement par Bibliothèque et Archives Canada, le programme collégial Nunavut Sivuniksavut et le gouvernement du Nunavut a permis de l’identifier.
Le livre Atiqput : Inuit Oral History and Project Naming, lancé mercredi, est l’aboutissement de ce partenariat.
En inuktitut, atiqptut signifie nos histoires. Nommer est très important dans notre culture inuit, donc [le livre] célèbre en quelque sorte cette pratique, souligne l’une des quatre coautrices, Deborah Kigjugalik Webster, une chercheuse en patrimoine inuit.
Plusieurs chapitres du livre, rédigés par des aînés, s’intéressent d’ailleurs à l’importance de cette tradition dans la culture inuit. Les aînés y décrivent des souvenirs et histoires personnelles éveillées par ces photographies d’époque. Parmi ces aînés figurent Sally Kate Webster, Manitok Thompson et Piita Irniq.
Selon la chercheuse, originaire de la communauté de Baker Lake, au Nunavut, le recueil s’adresse à tous les résidents du Nord qui s’intéressent aux pratiques d'attribution de noms, dont des étudiants. Elle espère d’ailleurs qu’il sera utilisé dans des écoles.