Annulation du droit à l’avortement aux États-Unis : le Canada à la rescousse?
Radio-Canada
TOLEDO, OHIO – « Nous portons toutes des vestes roses fluorescentes. Nous avons aussi un petit haut-parleur accroché à la ceinture et un parapluie, qu’on garde toujours dans une main. »
La bénévole Kristin Hady décrit fièrement ce qui compose l’uniforme obligatoire de toutes ses complices de la clinique d’avortement de Toledo. Elle-même l’enfile depuis bientôt dix ans.
Les haut-parleurs nous permettent de noyer les cris des manifestants anti-avortement et les parapluies, de cacher les patientes. C’est un combo incroyablement efficace, explique-t-elle, le sourire aux lèvres.
La chorégraphie se répète à chaque rendez-vous : la patiente se précipite hors de sa voiture, la tête baissée, protégée par la petite armée en rose pour atteindre la porte principale.
Après des années de luttes pour garantir le droit à l’avortement dans un État largement hostile, les bénévoles préfèrent voir ces obstacles comme un défi. Il faut comprendre qu’il y a toujours eu des attaques contre le droit à l’avortement ici, explique Kristin Hady. On fonctionne toujours en mode survie.
Le groupe anti-avortement de la région a récemment acheté le stationnement vacant en face de la clinique, qui tentait elle aussi de mettre la main dessus. Mais c’est la mise la plus haute qui l’a emporté; le groupe s’est procuré le petit lot pour 35 000 $.
Vois-tu la camionnette là-bas?, demande Kristin Hardy en pointant le stationnement. Elle est placardée de photos de bébés et de personnes enceintes. Un message y indique que les femmes méritent l'amour et le soutien, pas l'avortement. Elle est toujours là, et il y a une caméra à l'intérieur. Ils notent les numéros de plaques d'immatriculation pour enregistrer les patients. Et ça n’a rien d’illégal.
En Ohio, la possible annulation du jugement Roe c. Wade n’a pris personne par surprise : l’accès à l’avortement relève déjà de l’exploit, selon les militantes pro-choix. L’État, dirigé par une majorité de républicains à la Chambre des représentants comme au Sénat, adopte régulièrement des lois qui contraignent ce droit.
Le problème quand on travaille dans le domaine, c'est qu'il y a toujours quelque chose qui ne va pas, résume Kristin Hardy. À quoi bon organiser des manifestations? Il y a tellement d’enjeux qui nous indignent, c'est comme choisir parmi un buffet de choses terribles.