5 questions à Michel Tremblay sur sa pièce Cher Tchekhov
Radio-Canada
Pour accueillir sa pièce Cher Tchekhov, le Théâtre français du Centre national des Arts (CNA) déroule le tapis rouge pour Michel Tremblay et propose au public plusieurs rendez-vous dès mercredi.
En plus de trois représentations, une exposition gratuite, une entrevue (accessible en personne comme en ligne), ainsi qu’une séance de dédicaces vont permettre aux visiteurs d’aller à la rencontre du prolifique créateur québécois et de son univers. Christelle D’Amours l’a rencontré.
Tchekhov est l’un des auteurs que j’admire le plus. Ses personnages sont les moins intéressants, individuellement (rires). Dans les pièces de Tchekhov, c’est toujours une gang de monde, une famille, il ne se passe parfois rien pendant un acte complet, mais il y a une telle humanité dans ce qu’il écrivait, ça a tellement l’air vrai, avec des sentiments universels […] Mais je dois avouer que Tchekhov [...] est rarement un triomphe public. Il y a un public qui aime ça, mais le grand public trouve parfois ça plate. Mais pas ma pièce! Ma pièce est passionnante (rires).
C’est un sujet qui m'intéressait beaucoup. Je voulais parler d’une famille d’acteurs vieillissants, à l’époque ou la vieillesse commençait à m'intéresser. C’était il y a une dizaine d'années. Et j’ai bloqué au milieu. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai eu peur que les acteurs pensent que je ne les aime pas.
Il y a quatre ans, j’ai décidé d’en faire un roman qui s'intitule Le cœur en bandoulière, dans lequel mon alter ego depuis 40 ans, Jean-Marc, vit la même chose que moi. Dans le roman, on assistait à l'écriture de la pièce.
Quand je l’ai fini, je l'ai fait lire au comédien Gilles Renaud, qui m’a dit : Pourquoi on ne fait pas ça au théâtre? Et comme j’y pensais, j’ai décidé d’en faire une pièce : j’ai gardé l’auteur de 76 ans qui sait ce que devrait contenir le reste de la pièce, mais qui en a peur.
Le public ne sait pas vraiment comment ça s'écrit, une pièce de théâtre ou un roman. Et ce qui est bien, c’est de voir physiquement ce processus. Dans le roman, c’est intéressant. Mais ce qui est extraordinaire dans la mise en scène de Serge Denoncourt, c’est que le spectacle se construit devant nos yeux, au fur et à mesure que Jean-Marc écrit et finit sa pièce. Ça commence sur un plateau vide et progressivement, la maison, la forêt, le ciel arrivent, les choses s’ajoutent. On en enlève. Des fois, on en remet… Visuellement, c'est passionnant.
C’est une pièce sur le doute. Je pense que tout artiste devrait douter toute sa vie. On devrait tous se poser des questions à chaque fois qu’on écrit quelque chose : est-ce que c’est encore pertinent? Est-ce que j’ai encore des choses à dire? Est-ce que je suis dépassé? Le grand problème de Jean-Marc, dans la pièce, est qu’il aime beaucoup ce que font les jeunes, mais il ne veut pas les imiter.
La pièce parle aussi de la responsabilité de l’auteur. L’auteur en a une, mais les concepteurs, décors, éclairages, lumières, maquillage, perruques, metteur en scène, et évidemment les acteurs, ont aussi une responsabilité.