
Élections en Turquie : les clés du deuxième tour
Radio-Canada
Le président sortant de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, a fait mentir les sondages en arrivant en tête du premier tour de l'élection présidentielle, avec 49,51 % des voix, contre 44,88 % pour son principal adversaire, Kemal Kiliçdaroglu.
La victoire au premier tour a échappé de justesse au président turc, qui devra se soumettre à un deuxième vote le 28 mai. Mais son score est bien meilleur que ce que laissaient présager les derniers sondages, qui donnaient l’opposition en avance de presque six points sur M. Erdogan.
Qu’est-il arrivé? Les analystes avancent plusieurs explications.
Les Turcs semblent avoir misé sur la stabilité dans un contexte économique difficile, estime Bayram Balci, chercheur au CERI-Sciences Po et ancien directeur de l'Institut français d'études anatoliennes, que nous avons joint à Paris. Peut-être qu'il y a une colère contre le pouvoir, mais au moment du passage à l'acte, on a peur, avance-t-il. Et plutôt que de faire payer le président pour ses mauvaises décisions, ils ont préféré lui donner une deuxième chance, surtout face à une opposition diverse et variée qui n’a pas fait ses preuves.
« Les Turcs se sont sans doute méfiés de cette opposition, qui est unie pour faire tomber Erdogan, mais qui sera probablement divisée pour gérer le pays. »
L'Alliance de la nation regroupe six partis aux intérêts très divers, qui vont de la droite nationaliste jusqu’à la gauche. Même s’il ne fait pas formellement partie de la coalition, le Parti démocratique des peuples (HDP, pro-kurde) lui a donné son appui. Pendant la campagne, Recep Tayyip Erdogan a accusé l’opposition d’être complice des terroristes [kurdes] et de soutenir les déviants LGBTQ.
Ces propos ont pu plaire à certains électeurs conservateurs, déçus de l’AKP (le parti de M. Erdogan), mais attachés aux valeurs traditionnelles et méfiants vis-à-vis des Kurdes, observe Gülçin Erdi, chercheuse à l'Institut français d'études anatoliennes, jointe à Istanbul. Ils se disent : oui, les conditions de vie se sont détériorées, mais c'est quand même un risque si l'opposition arrive au pouvoir.
« Le peuple turc est plutôt conservateur et très nationaliste. »
Les sondages qui donnaient une avance au candidat d’opposition ont pu inciter les électeurs de l’AKP à se mobiliser en masse le jour du vote, déjouant ainsi les pronostics. Ils ont peut-être réalisé qu’il fallait lui apporter un soutien massif s’ils ne voulaient pas perdre le pouvoir, remarque Mme Erdi.